L'opposition ukrainienne a obtenu lundi du pouvoir l'abrogation des sévères lois anti-protestation à l'origine de l'escalade de la crise qui secoue l'Ukraine, à la veille d'une session du Parlement et d'un sommet Russie-UE.

Cette concession majeure a été annoncée à l'issue de négociations de dernière minute avant ces rendez-vous majeurs entre les chefs de file du mouvement de contestation et le président Viktor Ianoukovitch.

L'opposant Arséni Iatséniouk y a rejeté formellement la proposition du chef de l'État de diriger le gouvernement, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Aucune mention n'a été faite de la proposition faite à l'autre chef de file de l'opposition Vitali Klitschko, de devenir vice-Premier ministre.

Ces développements interviennent à la veille de l'arrivée à Kiev de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, pour une visite de 48 heures.

Elle doit auparavant rencontrer à Bruxelles le président russe Vladimir Poutine pour un sommet qui s'annonce tendu, l'UE et la Russie s'accusant mutuellement d'ingérence dans la crise ukrainienne.

Le commissaire européen chargé de la Politique de voisinage, Stefan Füle, était, quant à lui, dès lundi, à Kiev.

L'abolition des lois anti-contestation votées le 16 janvier, qui prévoient des peines allant jusqu'à la prison ferme pour la plupart des formes de manifestation, était l'une des exigences essentielles de l'opposition.

Ces lois avaient été vivement dénoncées par les Occidentaux comme une atteinte aux libertés et avaient entraîné la radicalisation du mouvement, débouchant sur les violents affrontements de la semaine dernière.

L'opposition a en outre une nouvelle fois reçu l'accord de principe du pouvoir sur l'adoption d'une loi d'amnistie pour les manifestants interpellés lors de heurts avec la police.

Cette amnistie «n'entrera en vigueur qu'à condition de la libération de tous les bâtiments publics et des routes» occupés par les manifestants, a cependant déclaré la ministre de la Justice Oléna Loukach, présente lors des discussions, citée dans un communiqué de la présidence.

Cette précision n'est pas une surprise, les opposants ayant affirmé vouloir rester mobilisés en attendant que satisfaction soit donnée à leurs exigences, en premier lieu la convocation d'une élection présidentielle.

Vitali Klitschko avait jugé la proposition du pouvoir d'entrer au gouvernement «empoisonnée» et destinée à «diviser» l'opposition.

Ioulia Timochenko, qui appartient au même parti que M. Iatséniouk, avait de son côté demandé «de manière catégorique aux dirigeants de l'opposition de ne pas accepter» les «conditions humiliantes», posées par le gouvernement pour parvenir à un accord.

Pas d'état d'urgence

Les autorités n'ont «pas l'intention aujourd'hui de décréter l'état d'urgence», a de son côté affirmé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Léonid Kojara, avant de souhaiter que les députés votent mardi des lois susceptibles de permettre de régler la situation.

Dans le même temps, les contestataires ont évacué le ministère de la Justice, situé en plein centre de Kiev et qu'ils occupaient depuis dimanche soir, a constaté l'AFP.

Ils ont en revanche édifié de nouvelles barricades de sacs de neige dans le quartier, qui ressemble de plus en plus à un camp retranché. L'opposition a aspergé la rue devant le ministère d'eau qui s'est vite figée en glace, transformant la chaussée en une patinoire.

Les autorités avaient menacé de décréter l'état d'urgence et de mettre fin aux pourparlers si cette occupation perdurait, tandis que Vitali Klitschko avait invité les manifestants à quitter les lieux.

L'opposition est mobilisée depuis plus de deux mois après le refus du chef de l'État, fin novembre, de signer un accord de libre-échange avec l'Union européenne: il avait alors préféré se rapprocher de Moscou.

Le mouvement se radicalise dans les régions

Le mouvement de protestation s'est brusquement radicalisé la semaine dernière, donnant lieu à des actions de guérilla urbaine qui ont fait au moins trois morts dans la capitale, et il s'étend désormais à pratiquement toute l'Ukraine.

Les sièges des administrations de la presque totalité des provinces de l'Ouest, nationalistes, davantage tournées vers l'UE et fermement opposées à M. Ianoukovitch, sont ainsi depuis plusieurs jours aux mains des manifestants qui veulent le départ des gouverneurs nommés par le chef de l'État.

L'administration régionale est désormais bloquée par les contestataires dans 10 des 25 provinces (contre 14 dimanche).

Ceux-ci ont investi les immeubles abritant les bureaux des gouverneurs dans huit villes et en contrôlent les abords dans deux autres.

Même si ces actions se déroulent essentiellement en Ukraine occidentale, les autres régions, y compris russophones, sont à leur tour touchées.

Les forces de sécurité semblaient cependant reprendre l'initiative dans l'Est, recourant à la force contre les manifestants à Dnipropetrovsk, Tcherkassy et Soumy, d'après les médias locaux.

Et des témoins ont fait état de blessés à Zaporijjia, dans le sud, où 3000 manifestants lancés à l'assaut de l'administration du gouverneur ont été dispersés par la police.

Trente-sept contestataires ont au total été arrêtés dans ces quatre villes, d'après des informations local.