En annonçant des réformes fiscales favorables aux entreprises, saluées mercredi par le patronat français et par Bruxelles, et en s'assumant comme «social-démocrate», le président François Hollande a choisi un virage économique qui risque de mécontenter une partie de la gauche.

Exercice de «haute voltige», président «libéré» : la presse française n'avait pas attribué de titres aussi flatteurs au chef de l'État depuis très longtemps. Un paradoxe au moment où le président socialiste, à un niveau abyssal dans les sondages, est au centre d'une tempête médiatico-politique depuis les révélations de sa liaison avec l'actrice Julie Gayet, 41 ans, sa cadette de 18 ans.

François Hollande s'est livré mardi à une longue explication des réformes à venir sur un ton ferme, rarement entendu depuis son arrivée au pouvoir en 2012, à l'exception de sa défense d'une politique militaire offensive au Mali, en Centrafrique ou en Syrie.

Alors qu'il peine à concrétiser sa promesse d'une inversion de la tendance du chômage, le président a annoncé un allègement des charges de 30 milliards d'euros (près de 45 milliards de dollars) pour les entreprises ainsi que des efforts consentis par l'État et par les collectivités locales devant permettre d'ici à 2017 d'économiser 50 milliards d'euros (environ 75 milliards de dollars).

Ce «pacte de responsabilité» entre l'État, qui promet des allègements fiscaux, et les entreprises, a une contrepartie : ces dernières devront embaucher un million de personnes, le tout étant présenté par M. Hollande comme «le plus grand compromis social depuis des décennies».

Mais au-delà, le président a franchi un des «Rubicon» de la gauche française en assumant sa ligne «social-démocrate».

«Comme toujours, les socialistes au gouvernement agissent par pragmatisme, mais jamais un président socialiste ou un socialiste au pouvoir n'avait tant assumé le fait qu'il soit social-démocrate», analyse le politologue Stéphane Rozes.

Le virage de François Hollande pourrait faire sourire, tant les pays occidentaux, notamment européens, sont passés de longue date aux vertus de la social-démocratie. Mais dans un pays où le mot «social-démocrate» était, il n'y a pas si longtemps, une insulte aux yeux des militants du Parti socialiste, il s'agit sinon d'une révolution, au moins d'un tournant.

Critiques de la gauche radicale

«Suis-je un social-démocrate? Oui, au sens où ce pacte de responsabilité» n'est rien «d'autre qu'une démarche de compromis social, donc social-démocrate», a-t-il déclaré, tout en réfutant l'idée qu'il aurait été «gagné par le libéralisme».

À Bruxelles, la Commission européenne a salué ces mesures, les qualifiant de «bonnes nouvelles» et de pas «dans la bonne direction» de nature à «renforcer la compétitivité des entreprises françaises et avoir des effets bénéfiques sur la croissance et l'emploi».

L'Allemagne, première économie européenne, a, pour sa part,  salué des annonces «courageuses», allant sur «la bonne voie».

En France, le président du MEDEF (le «patron des patrons»), Pierre Gattaz, a de même salué «un discours qui va dans le bon sens». «Il y a une prise de conscience de la réalité de la France», s'est-il félicité, après avoir reconnu début janvier que la gauche au pouvoir fait aujourd'hui ce qu'aucun gouvernement n'avait fait auparavant.

À droite, soutien timide et gêne manifeste se mêlent, les annonces du président figurant de longues dates dans son programme sans avoir été mises en place quand Nicolas Sarkozy était au pouvoir entre 2007 et 2012.

Le dirigeant de la droite, Jean-François Copé, a reconnu qu'«on ne pouvait pas désapprouver» l'orientation du chef de l'État. «Mais je dis attention, le diable se cache dans les détails», a-t-il précisé.

Le leader de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, ancien compagnon d'armes de François Hollande, a, quant à lui, vertement critiqué le président. «C'est le coup de barre à droite le plus violent qu'on ait vu de la part d'un gouvernement de gauche depuis Guy Mollet», premier ministre en 1956 et symbole, selon certains, des compromissions de la gauche, a-t-il commenté, fustigeant des propos «néo-libéraux» et «des cadeaux sans contrepartie au patronat».