L'industriel français et sénateur de droite Serge Dassault, l'une des plus grosses fortunes de France, est visé par une plainte pour association de malfaiteurs, sur fond de soupçon d'achats de votes dans la ville dont il fut le maire.

Le milliardaire et patron de presse, dirigeant du groupe industriel d'aéronautique et d'armement éponyme, est accusé par un homme, Fatah Hou, d'avoir pris part à un stratagème visant à organiser son arrestation et celle de deux autres hommes au Maroc.

Selon Fatah Hou, l'objectif était de les éloigner de Corbeil-Essonnes pour les empêcher de révéler le degré de corruption dans cette ville de la banlieue parisienne administrée par l'industriel de 1995 à 2009.

La réélection de M. Dassault en 2009 avait été invalidée en raison de «dons d'argent», et l'élection de son bras droit et successeur Jean-Pierre Bechter avait, elle aussi, été annulée en 2010, entraînant un nouveau scrutin.

L'industriel, sénateur du parti d'opposition de droite UMP, a dénoncé lundi une «instrumentalisation judiciaire» et déposé plainte pour «menaces».

Jean-Pierre Bechter, le responsable du service des sports de la ville et un diplomate marocain sont également visés par la plainte déposée vendredi auprès du parquet d'Evry, a indiqué l'avocate du plaignant Me Marie Dosé.

Cette procédure vient s'ajouter à une enquête à Paris sur un système présumé d'achat de votes dans les quartiers sensibles de Corbeil-Essonnes.

Dans ce dossier, le bureau du Sénat doit se prononcer mercredi sur une demande de levée d'immunité parlementaire de l'industriel, qui ouvrirait la voie à une garde à vue. M. Dassault avait déjà été entendu en octobre comme témoin assisté sur une tentative d'assassinat de Fatah Hou le 19 février. M. Hou, grièvement blessé par balles, garde d'importances séquelles avec notamment un bras droit quasi paralysé.

Pour ces faits criminels, Younès Bounouara, un quadragénaire présenté comme un relais de Serge Dassault dans les cités de Corbeil-Essonnes, a été écroué le 7 novembre après plusieurs mois de cavale.

Son nom apparaît dans l'enquête sur les achats de votes présumés. Dans un extrait d'une vidéo clandestine diffusée par le site d'informations Mediapart, Serge Dassault explique à des interlocuteurs visiblement venus lui réclamer de l'argent : «Moi, j'ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c'est Younès, démerdez-vous avec lui!»

Pour son entourage, Serge Dassault, qui nie tout système frauduleux, est en fait victime de chantage, de menaces et de tentatives de racket par de petits délinquants. Plusieurs plaintes ont déjà été déposées et M. Dassault a de nouveau saisi la justice lundi pour «des appels téléphoniques malveillants réitérés, tentative d'extorsion de fonds, chantage, menaces, recel et complicité de délits».

«Degré de corruption»

La plainte de vendredi, consultée par l'AFP, trouve son origine dans des interceptions de conversations téléphoniques entre Jean-Pierre Bechter et son responsable des sports, réalisées lors d'une enquête sur la tentative d'assassinat d'un autre homme affirmant avoir été un acteur d'un système d'achat de votes.

Selon la plainte, ces écoutes font notamment état d'un déjeuner le 14 février 2013 entre MM. Dassault, Bechter et un responsable de l'ambassade marocaine, et rendent compte d'une conversation téléphonique dans laquelle M. Bechet déclare : «quand ils vont arriver au Maroc, ils vont être surpris de l'accueil».

Entendu en juin, Jean-Pierre Bechter a expliqué qu'il s'agissait de «prévenir les familles» dans ce pays que leurs «enfants déconnaient» en France.

La plainte déposée par Fatah Hou vise également des faits de corruption d'agent public étranger, de non-dénonciation de crime et de collecte illégale de données personnelles.

Sollicités par l'AFP, les avocats de Serge Dassault, Jean-Pierre Bechter et le diplomate marocain n'avaient pu être joints à la mi-journée.