La mobilisation pro-européenne s'essouffle à Kiev après le rapprochement spectaculaire du gouvernement ukrainien avec Moscou, mais l'opposition a demandé dimanche aux manifestants nettement moins nombreux que les fins de semaine précédentes de continuer de défier le régime dans la rue.

Quelque 40 000 personnes se sont réunies à l'appel de l'opposition sur Maïdan, place de l'Indépendance dans le centre de Kiev, où des centaines de milliers de personnes avaient manifesté les trois dimanches précédents, après la volte-face fin novembre du gouvernement ukrainien sur le rapprochement avec l'Union européenne.

«Nous allons continuer de nous battre, nous n'abandonnerons pas Maïdan» devenu un symbole et un haut lieu de la contestation, occupée depuis plus d'un mois par des manifestants qui l'ont entourée de barricades, a déclaré devant les manifestants le boxeur Vitali Klitschko, l'un des leaders de l'opposition.

«Nous allons fêter sur Maïdan le Nouvel An et Noël» (orthodoxe le 7 janvier), a-t-il ajouté en rappelant que l'objectif du mouvement de contestation était l'organisation d'une présidentielle anticipée à laquelle il souhaite être candidat.

Les leaders de l'opposition ont par ailleurs annoncé la création du «Mouvement populaire Maïdan» devant réunir à travers l'Ukraine tous ceux qui sont «contre la corruption» et «le retour au passé» au sein des structures menées par Moscou.

Des manifestants interrogés par l'AFP n'ont toutefois pas caché dimanche matin leur déception quant aux résultats de la contestation.

La contestation dans l'impasse

«Maïdan est dans l'impasse. Les manifestants ont fait tout ce qu'ils pouvaient. Maintenant c'est l'opposition (ses leaders) qui doit travailler en coulisse pour affaiblir le pouvoir», souligne Ostap Nikitine, un étudiant de Kiev.

Vassyl Gouliï, 49 ans, un entrepreneur de Ternopil (ouest), en veut à l'Europe qui n'a, selon lui, pas été assez ferme après les violences policières fin novembre contre les manifestants à Kiev.

«L'Europe aurait pu faire pression sur le pouvoir, mais elle a abandonné l'Ukraine», déplore-t-il.

La signature mardi à Moscou d'accords économiques qui prévoient un crédit de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et la baisse d'un tiers du prix du gaz russe, alors que le pays est au bord de la faillite, a semblé désarçonner les leaders de cette vague de contestation sans précédent depuis la Révolution orange pro-occidentale de 2004.

Ils avaient accusé mardi le président Viktor Ianoukovitch d'avoir mis l'«Ukraine en gage» et s'étaient interrogés sur la teneur des documents signés, mais le refus du rapprochement avec la Russie a depuis disparu des revendications de l'opposition.

Une manifestation mardi pour dénoncer ces accords avait mobilisé 50 000 personnes.

«L'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière pilotée par Moscou aurait mis les opposants en colère, mais il est difficile de critiquer le pouvoir pour la baisse du prix du gaz. Ce n'est pas contre Moscou que l'opposition va mobiliser», souligne Volodymyr Fessenko, analyste politique indépendant.

Après les accords de Moscou, «les tentatives de (...) signer un accord d'association avec l'UE ne sont plus d'actualité. La révolte des oligarques est étouffée par le gaz bon marché», a récemment souligné l'ex-ministre de l'Intérieur et opposant Iouri Loutsenko.

Si le régime de Viktor Ianoukovitch semblait affaibli après la dispersion violente d'une manifestation étudiante le 30 novembre, montrée par les télévisions contrôlées par des oligarques ukrainiens, il semble depuis s'être ressaisi.

«Le pouvoir est aujourd'hui plus fort qu'en 2004», lorsqu'il a été renversé par la Révolution orange, souligne Volodymyr Fessenko.

Kiev est depuis plus d'un mois le théâtre de la contestation, à la suite du refus du pouvoir de signer un accord d'association avec l'Union européenne, en préparation depuis trois ans, au profit de la coopération économique avec Moscou.

L'intégration avec l'ex-URSS

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, dont le pays a joué un rôle clé pour dissuader l'Ukraine de signer l'association avec l'UE, a souligné samedi que les «structures d'intégration eurasiatiques», une expression désignant les anciennes républiques de l'ex-URSS, mises en place par Moscou, étaient «ouvertes» à l'Ukraine.

Le président Ianoukovitch est de nouveau attendu à Moscou la semaine prochaine pour participer à un sommet en vue de l'intégration «eurasiatique».

Réunis en sommet à Bruxelles, certains dirigeants européens ont exprimé vendredi leur exaspération face au gouvernement ukrainien.

L'Union européenne garde la porte ouverte «au peuple ukrainien, mais pas nécessairement à son gouvernement», a averti la présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.