L'opposition ukrainienne, qui veut la chute du pouvoir après l'échec de l'intégration européenne de l'Ukraine et la répression de manifestations pro-UE, est restée mobilisée mardi malgré le rejet d'une motion de défiance contre le gouvernement.

Après le vote, entre 20 000 et 30 000 manifestants se sont réunis sur la place de l'Indépendance, haut lieu de la «Révolution orange» de 2004.

«Je vous appelle à ne pas baisser les bras. Il nous faut un nouveau pouvoir», a lancé devant les manifestants le boxeur Vitali Klitschko, l'un des leaders de l'opposition.

«On est ici pour faire la révolution. On restera ici jusqu'à la victoire, on n'a peur de rien», a assuré à l'AFP un manifestant âgé de 65 ans, Anatoli Krilouchine, accusant le gouvernement d'avoir «trahi le peuple».

Plus tôt dans la journée, le Parlement a rejeté une motion de défiance contre le Premier ministre Mykola Azarov et son gouvernement, accusés par l'opposition d'être personnellement responsables des violences policières contre les manifestants et d'avoir «vendu l'Ukraine à la Russie».

Seuls 186 députés ont soutenu la motion proposée par trois groupes de l'opposition, alors qu'une majorité de 226 voix était requise pour son adoption.

«Vous avez besoin de bouleversements et l'Ukraine n'a pas besoin de vous. L'Ukraine a besoin de stabilité», a déclaré avant le vote le député Volodymyr Oliïnyk, partisan du pouvoir du président Viktor Ianoukovitch, en s'adressant à l'opposition.

S'exprimant lui aussi devant les députés avant le vote, M. Azarov a «demandé pardon» pour les violences policières contre des manifestants samedi à Kiev, qui avaient fait des dizaines de blessés.

«Le président et le gouvernement le regrettent profondément», a-t-il dit. «Je vais en tirer des conclusions fermes et il y aura des remaniements au sein du gouvernement», a-t-il annoncé. La veille, M. Azarov avait déjà annoncé la démission du chef de la police de Kiev.

Le Premier ministre doit présider mercredi matin un conseil des ministres, alors que le siège du gouvernement reste toujours bloqué par des manifestants.

Trois manifestants accusés d'avoir provoqué les troubles dimanche devant l'administration présidentielle ont été arrêtés mardi, a annoncé l'agence de presse Interfax.

La présidence est depuis bouclée par plusieurs cordons de policiers des forces antiémeutes portant des casques et armés de boucliers.

L'Ukraine «vendue» à la Russie

L'intervention de M. Azarov a été accompagnée de cris de désapprobation des députés de l'opposition bien qu'il ait promis de poursuivre l'intégration européenne.

Vitali Klitschko a qualifié de «haute trahison» la décision du gouvernement de suspendre l'accord d'association avec l'Union européenne, qui était en préparation depuis trois ans et devait être signé au sommet européen de Vilnius la semaine dernière.

Dimanche, plus de 100 000 manifestants se sont rassemblés à Kiev et des dizaines de milliers d'autres dans d'autres villes d'Ukraine pour protester contre la volte-face des autorités.

Il s'agit d'une mobilisation sans précédent depuis la «Révolution orange» de 2004 qui avait renversé le régime en place et porté au pouvoir des pro-occidentaux.

Contrairement à 2004, certaines manifestations ont été violemment réprimées ces derniers jours. Il y a eu plus de cent blessés dont des policiers, des étudiants et des journalistes.

Le président Ianoukovitch en Chine

Le président Ianoukovitch a choisi de quitter l'Ukraine mardi pour une visite d'État de trois jours en Chine où est prévue la signature d'accords économiques.

«La situation dans le pays n'est pas très propice aux visites à l'étranger, mais si j'y renonce, c'est l'économie de l'Ukraine qui en souffrira», a-t-il déclaré la veille dans un entretien avec les télévisions ukrainiennes.

Cette visite doit être suivie par un déplacement en Russie, pays qui a joué un rôle décisif pour dissuader l'Ukraine de signer l'accord d'association avec l'UE.

Le Premier ministre Mykola Azarov a annoncé qu'une délégation ukrainienne se rendrait mercredi à Bruxelles et une autre à Moscou.

«Demain (mercredi), notre délégation se rendra à Bruxelles, et nous allons poursuivre des négociations qui permettront de signer un accord d'intégration européenne dans des conditions avantageuses pour l'Ukraine», a indiqué le Premier ministre dans une déclaration publiée sur le site du gouvernement.

«En même temps, une autre délégation se rendra demain à Moscou, parce que nous essayons de renforcer notre partenariat stratégique et relancer nos relations commerciales avec la Russie», a indiqué M. Azarov.

La venue d'une délégation ukrainienne à Bruxelles n'a pas été immédiatement confirmée par l'UE. «La date et le lieu seront décidés via les canaux diplomatiques habituels et, une fois qu'un accord aura été trouvé, elle sera annoncée», a déclaré Peter Stano, porte-parole du commissaire en charge de la Politique de voisinage, Stefan Füle.

L'Otan appelle au dialogue

Dans la soirée, l'Otan a appelé le pouvoir et l'opposition en Ukraine au dialogue.

«Nous condamnons l'usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques» et «appelons toutes les parties à s'abstenir de toute provocation et de toutes violences», ont déclaré dans un communiqué commun les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Otan, réunis à Bruxelles. «Nous exhortons le gouvernement et l'opposition à engager le dialogue et à lancer un processus de réforme», ont-ils ajouté.

«Nous appelons le gouvernement à écouter les aspirations de son peuple», a déclaré le secrétaire d'Etat américain John Kerry à l'issue de la réunion. «La violence n'a pas sa place dans un pays moderne en Europe», a-t-il dit.

Déjà lundi, la Maison-Blanche avait fustigé la répression violente de «manifestations pacifiques» en Ukraine, alors que le président russe Vladimir Poutine dénonçait pour sa part des actions «préparées de l'extérieur» en vue de renverser le pouvoir et qui «ressemblent plus à un pogrom qu'à une révolution».