L'opposition ukrainienne a appelé à continuer d'occuper le centre de Kiev dimanche soir, après une manifestation d'au moins 100 000 personnes en faveur de l'UE et contre le pouvoir, émaillée de heurts qui ont fait plus de cent blessés.

«J'appelle tout le monde à rester aujourd'hui sur la place» de l'Indépendance, a lancé dimanche soir Vitali Klitschko, un des leaders de l'opposition. «Nous devons mobiliser tout le pays, ne pas perdre l'initiative», a-t-il ajouté. Plusieurs milliers de manifestants demeuraient sur la Place de l'Indépendance dimanche soir. Ils étaient aussi des milliers devant les locaux de la mairie, qui est actuellement aux mains des manifestants.

Selon une journaliste de l'AFP, plus de 20 tentes ont déjà été installées sur la Place de l'Indépendance.

«Je vais passer la nuit ici. Et je ne pense pas que ce sera la seule fois», a déclaré un manifestant, Vladimir Polevoï, 36 ans.

Un des organisateurs d'Euro-Maïdan, comme l'appellent les manifestants, la Place de l'Indépendance étant également dénommée Maïdan, a estimé que jusqu'à 3000 tentes allaient être installées.

«Cela sera impossible à déplacer», a dit Igor Loutsenko.

Un autre leader des manifestants, Arseni Iatseniouk, proche de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, a fixé comme objectif dans les jours à venir la démission du gouvernement, puis du président.

Manifestation de grande ampleur

La manifestation de dimanche a rassemblé au moins 100.000 personnes à Kiev - des centaines de milliers, selon l'opposition -, un succès pour le mouvement, né du volte-face de Viktor Ianoukovitch qui a suspendu la semaine dernière la préparation d'un accord d'association avec l'UE.

Des affrontements dans le quartier gouvernemental, proche de la Place de l'Indépendance où avait lieu la manifestation, ont cependant fait une centaine de blessés parmi les policiers, selon les autorités.

La municipalité a par ailleurs fait état de 53 personnes soignées par les services de secours, dont 14 hospitalisées, sans préciser si des policiers figuraient parmi elles.

Les heurts sont survenus devant le siège de l'administration présidentielle, gardé par les forces spéciales, et que plusieurs centaines de jeunes gens masqués ou encagoulés ont tenté de prendre d'assaut.

Les forces spéciales ont recouru à plusieurs reprises à des grenades assourdissantes ou éblouissantes, et à du gaz lacrymogène contre ces assaillants qui avaient amené un bulldozer, avec l'intention apparente de forcer l'entrée du bâtiment.

Deux photographes de l'AFP ont été blessés. Un caméraman local de la chaîne de télévision Euronews a également été blessé à la tête.

La police ukrainienne a ensuite annoncé avoir interpellé certains des «participants les plus actifs aux troubles».

Mais les chefs de l'opposition ont dénoncé une «provocation».

«L'opposition n'a aucun lien avec ce qui s'est passé devant l'administration présidentielle», a déclaré Arseni Iatseniouk.

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«Feuille de route de coopération» avec la Russie

Sur la Place de l'Indépendance, la manifestation de l'opposition s'est déroulée sans incidents.

«A partir d'aujourd'hui commence la grève générale. La révolution a commencé en Ukraine!», a déclaré dans la journée un des dirigeants de l'opposition, Oleg Tiagnibok, devant la foule, hérissée de drapeaux ukrainiens et de quelques drapeaux européens sur la Place de l'Indépendance.

«Révolution!», «Kiev, lève-toi!», «L'Ukraine, c'est l'Europe», scandaient les manifestants.

De nombreuses manifestations contre le régime ont par ailleurs eu lieu dans d'autres villes d'Ukraine.

A Lviv, dans l'ouest, près de 50 000 personnes se sont rassemblées dans la journée. A Ivano-Frankivsk, dans l'ouest également, elles étaient près de 10 000.

Dans l'est, bastion traditionnel des partisans de M. Ianoukovitch, aucune manifestation de soutien au président n'a été recensée. Au contraire, quelque 250 personnes se sont rassemblées à Donetsk pour exiger le renversement du régime.

Dans un communiqué commun, les ministres polonais et suédois des Affaires étrangères, Radek Sikorski et Carl Bildt, ont lancé un appel «à tous pour que les manifestations à Kiev restent pacifiques».

Le président Ianoukovitch se trouvait quant à lui dimanche dans sa résidence de la banlieue de Kiev, pour une réunion d'urgence avec notamment le ministre de l'Intérieur Vitali Zakhartchenko, ont indiqué des sources gouvernementales à l'agence russe de presse Itar-Tass.

Après la violente dispersion par la police de manifestants sur la Place de l'Indépendance samedi matin, les autorités avaient interdit jusqu'au 7 janvier tout rassemblement près des bâtiments gouvernementaux, mais les manifestants sont passés outre.

Dans une lettre lue samedi par sa fille, Ioulia Timochenko, avait appelé à «renverser» le pouvoir actuel en descendant dans la rue.

La mobilisation s'est renforcée après que M. Ianoukovitch a confirmé vendredi pendant un sommet à Vilnius son refus de signer un accord d'association avec l'UE, en préparation depuis des mois, pour se tourner dans l'immédiat vers la Russie.

Le gouvernement a fait savoir dimanche que le président irait bientôt en Russie pour y signer «une feuille de route de coopération».

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