Le premier ministre nationaliste écossais, Alex Salmond, a dévoilé mardi à Glasgow son livre blanc promettant une Écosse «plus juste et plus prospère»  si le oui l'emporte dans dix mois au référendum d'indépendance, qui ferait voler en éclats le Royaume-Uni.

«L'avenir de l'Écosse est désormais entre les mains des Écossais», a déclaré M. Salmond lors d'une conférence de presse, en présentant à environ 200 journalistes britanniques et internationaux son document de 670 pages. Il a détaillé ce qui serait l'aboutissement du combat politique de toute sa vie: la proclamation solennelle le 24 mars 2016 d'une Écosse qui disposerait de sa propre défense, rejoindrait l'UE et l'OTAN, mais conserverait la reine comme monarque et la livre sterling pour monnaie.

Pour l'emporter, M. Salmond, 58 ans, doit convaincre une population majoritairement sceptique des bénéfices que présenterait un tel divorce historique, d'ici la tenue du référendum convoquée le 18 septembre 2014.

Il a assuré que l'Écosse avait un «grand potentiel en tant que pays», avec ses «universités de renommée mondiale», son «formidable héritage culturel» et ses «immenses ressources naturelles». Son but est de  construire une «nation plus démocratiquement juste et plus prospère».

Pour les partisans du non, ce projet relève de la «chimère», selon la formule de l'ancien ministre britannique des Finances, Alistair Darling.

Il exprime la vue des trois grands partis britanniques -travaillistes, conservateurs, lib-déms- opposés à l'indépendance que prône le Parti national écossais (SNP) d'Alex Salmond, et favorables au contraire au maintien du Royaume-Uni constitué de l'Angleterre, de l'Écosse, du pays de Galles et de l'Irlande du Nord.

Le porte-parole de David Cameron a, lui, jugé que le livre blanc «n'a pas vraiment répondu aux grandes questions concernant la monnaie, la viabilité budgétaire et l'Europe, pour ne citer que trois problèmes essentiels».

L'ouvrage intitulé Le futur de l'Écosse: votre guide pour une Écosse indépendante se veut pourtant «le document le plus détaillé jamais publié en faveur de l'indépendance d'un pays».

Essentiellement dominé par des questions économiques, il est censé répondre à 650 questions posées par des «vrais gens», et expose pour la première fois de manière détaillée les projets en termes de monnaie (avec l'appartenance à une zone Sterling), de taxation, d'éducation, de défense ou de système social.

Alex Salmond a également confirmé qu'une Écosse indépendante souhaiterait immédiatement frapper à la porte de l'Union européenne.

Le parlement écossais qui possède depuis 1997 une autonomie sur les questions d'éducation, de santé, d'environnement et de justice verrait ses compétences élargies à la défense. Les sous-marins nucléaires britanniques installés dans des bases militaires en Écosse devraient déménager vers le Sud.

Autre point potentiellement conflictuel, l'Écosse entend garder une part «maximum» des 90% des revenus des importantes réserves pétrolières situées dans «ses eaux territoriales» en mer du Nord.

Selon M. Salmond, les réserves en gaz et en pétrole  alimenteront l'économie écossaise pendant les cinquante prochaines années, tout en avouant qu'il faudrait investir dans de nouvelles ressources énergétiques pour préparer l'avenir.

Le référendum va offrir aux électeurs le choix entre «deux avenirs». Le «oui signifiera que la plupart des décisions importantes concernant notre économie et notre société seront prises par les gens à qui l'Écosse tient le plus à coeur».

Si le non l'emporte en revanche, «l'Écosse sera à l'arrêt», proclame le Livre blanc.

Une victoire du oui est très loin d'être acquise, en dépit de la forte popularité du gouvernement écossais. Les sondages montrent de façon stable depuis une vingtaine d'années que seule une minorité d'un tiers des électeurs écossais est favorable à l'indépendance. Même si dimanche dernier une enquête parue dans le Sunday Times donnait le oui à 38%, soit 9 points derrière le non, avec un taux d'indécis à 15%, susceptible de faire basculer l'équilibre.

«Je ne suis pas complètement contre l'indépendance. J'aime l'Écosse. Mais pourquoi essayer de réparer quelque chose qui n'est pas cassé?» a déclaré à l'AFP Alan, 56 ans, un habitant de Glasgow au chômage.