Puissant élu local de la région de Valence, célèbre pour avoir porté un projet d'aéroport fantôme, Carlos Fabra, l'un des hommes qui a incarné les excès des années de croissance en Espagne, a été condamné lundi à quatre ans ans de prison pour fraude fiscale.

Ce proche du chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, poids lourd du Parti populaire, de droite, qu'il a dirigé pendant plus de 20 ans dans la province de Castellon, a toutefois été blanchi, faute de preuves, des faits de corruption et de trafic d'influence.

Président de cette province de l'est de l'Espagne jusqu'en juin 2010, Carlos Fabra, qui doit verser une amende de 693 000 euros et la même somme d'indemnisation au fisc, a annoncé qu'il ferait appel du jugement.

Son ex-épouse, Maria de los Desamparados Fernandez, a également été condamnée pour fraude fiscale à deux ans de prison, à une amende de 274 000 euros et à la même somme au titre d'indemnisation du fisc, selon la décision de l'Audience provinciale.

La cour relève que le couple a reçu de l'argent sur ses comptes bancaires qui ne correspondait ni à ses revenus ni à son patrimoine déclarés.

Portant d'éternelles lunettes noires pour cacher une blessure, Carlos Fabra avait déjà fait scandale alors qu'il dirigeait aussi l'entreprise de l'aéroport de Castellon, resté désert depuis son inauguration en mars 2011.

L'opposition de gauche y a vu le symbole des dérives de la bulle immobilière qui a explosé en 2008 et précipité l'Espagne dans la crise.

L'aéroport de Castellon est devenu un symbole car, à l'entrée de cette installation aux pistes désertes, au milieu d'un rond-point, trône une statue allégorique géante dédiée à Carlos Fabra, surmontée d'un avion et baptisée «L'homme avion».

L'oeuvre de 24 mètres de haut commandée à un artiste local, Juan Ripolles, et dénoncée par l'opposition comme une image de «mégalomanie», a coûté 300 000 euros d'argent public, selon la presse.

Le procès de Carlos Fabra s'était ouvert le 2 octobre, après environ 10 ans d'instruction, alourdissant encore l'embarras dans lequel est plongé le Parti populaire, dont l'ex-trésorier Luis Barcenas, qui fut lui aussi un proche de Mariano Rajoy, est actuellement en prison.

Lundi, le PP a d'ailleurs vite tenu à prendre ses distances avec celui que Mariano Rajoy avait qualifié en 2008, selon El Pais, de «citoyen et homme politique exemplaire».

«Cela fait déjà un certain temps que Fabra n'a plus aucune responsabilité au sein du parti», a souligné la numéro 2 du parti, Maria Dolores de Cospedal, parmi d'autres responsables du PP.

Carlos Fabra, qui est resté président du PP de Castellon jusqu'en juillet 2012, a demandé à rendre sa carte du parti, a assuré l'actuel président de la province, Javier Moliner.

L'affaire avait été lancée en 2003 par un chef d'entreprise qui avait déposé deux plaintes dans lesquelles il accusait Carlos Fabra de lui avoir soutiré de l'argent contre des contrats publics pour son entreprise de produits phytosanitaires.

En 2005, le fisc avait lui engagé des poursuites pour fraude fiscale présumée entre 1999 et 2003.

Depuis, l'affaire a connu de multiples rebondissements, passant de décisions de justice en recours et en annulations.

L'une des décisions les plus retentissantes fut celle du Tribunal suprême qui avait annulé une décision du tribunal provincial de Castellon de 2010 de classer le dossier sur la fraude fiscale pour faute de procédure.

Signe de tensions autour de l'instruction, le juge chargé du dossier avait demandé «la protection» du Conseil du pouvoir judiciaire et le président du tribunal provincial, Carlos Dominguez, avait renoncé à prendre part à l'affaire, après des soupçons de liens amicaux avec Carlos Fabra.

La région de Valence a connu de nombreux autres procès pour corruption et s'est retrouvée au coeur d'accusations de dépenses inconsidérées de l'argent public.

En janvier 2012, le président conservateur de la région, Francisco Camps, avait finalement été déclaré non coupable dans un procès pour corruption, faute de preuves.