La Justice en Suède envoie de moins en moins de personnes en prison malgré une criminalité plutôt en hausse, misant notamment sur le bracelet électronique et la «probation».

Carin Westerlund, juge dans le district d'Uppsala, au nord de Stockholm, a recours sans hésiter à toutes les possibilités autres que la détention.

«Je peux choisir de prononcer une peine de probation ou un travail d'intérêt général plutôt que de condamner à la prison», explique-t-elle à l'AFP.

Depuis 2005, pour les peines allant jusqu'à six mois d'emprisonnement, les condamnés peuvent demander un bracelet électronique, rappelle la juge.

Le pays est déjà, avec ses voisins scandinaves, parmi ceux au monde qui compte le moins de prisonniers, avec 0,5 pour 1000 habitants, deux fois moins qu'en France et dix fois moins qu'aux États-Unis.

D'après l'administration pénitentiaire, la population carcérale a baissé de 1 % par an entre 2004 et 2010, puis de 6 % par an en 2011 et 2012. Elle est ainsi passée de 5722 personnes à 4852.

Seulement, les chiffres ne concernent que les détenus suédois. Il n'y a pas de statistique sur les étrangers.

Par ailleurs, «il s'agit d'une période assez courte dans le temps», souligne le directeur de l'administration pénitentiaire suédoise, Nils Öberg. «Nous menons un travail pour comprendre les raisons de cette diminution, mais il est encore trop tôt pour apporter des réponses définitives».

Peines de probation

La baisse devrait se poursuivre en 2014, d'après les prévisions de l'administration pénitentiaire.

Les chercheurs en sont moins certains. Selon une étude menée par le département de criminologie de l'Université de Stockholm, de trop nombreux facteurs entrent en compte et il y a 10 ans, le gouvernement n'avait pas vu venir la tendance actuelle.

En parallèle, la criminalité augmente. Le nombre de crimes et délits recensés est passé de 1,2 million en 2004 à 1,4 million en 2012, d'après l'institut statistique criminel gouvernemental (Brå).

La Suède fait beaucoup pour éviter la prison à ses délinquants. Elle investit dans la réinsertion et la prévention de la récidive, privilégie les peines dites de probation à celle de prison ferme de quelques mois, généralise l'usage du bracelet électronique, recourt aux travaux d'intérêt général, et systématise la remise en liberté conditionnelle aux deux tiers de la peine.

Depuis qu'en 2011 la Cour suprême a défini des critères stricts avant de prononcer une peine de prison ferme pour trafic de drogue, les tribunaux sanctionnent ce délit moins sévèrement, relève aussi le ministère de la Justice.

En prison depuis quatre ans et demi, Magnus (NDLR, prénom fictif), 38 ans, condamné pour un délit dont il ne veut pas parler, confie ne jamais vouloir revenir en cellule après sa libération.

«C'est la première fois que j'écope d'une peine de prison et j'espère que c'est la dernière», explique-t-il à l'AFP. «Ici, vous avez accès à l'éducation, à une formation pour préparer votre sortie (...). On vous donne une chance de vous en sortir».

Des prisons qui ferment

La Suède, qui compte 82 établissements pénitentiaires, a fermé en 2013 quatre prisons et un centre de réinsertion.

Le directeur de l'administration pénitentiaire souligne qu'ils étaient «assez anciens» et que «si on avait voulu les laisser opérationnels, il aurait fallu investir des ressources considérables».

Dans les établissements qui restent ouverts, il y a généralement de la place. «Si les peines courtes sont effectuées à travers une période de probation, cela vide naturellement les prisons», commente Anders Ekström, inspecteur de la centrale de Norrtälje, qui accueille 160 détenus pour 200 places.

M. Öberg ne craint ni le chômage technique ni une montée de la violence. «C'est une bonne occasion de travailler pour empêcher les récidives et trouver une manière plus efficace de renforcer l'ordre public et la sécurité sur le long terme», estime-t-il.