Le chef du gouvernement français Jean-Marc Ayrault a créé la surprise mardi en annonçant une «remise à plat» du système des impôts, tentant ainsi de désamorcer la contestation sociale nourrie par un ras-le-bol fiscal largement partagé.

Dans un entretien au journal Les Échos, le premier ministre socialiste a annoncé qu'il allait recevoir les partenaires sociaux «dans les prochains jours» pour ouvrir ce débat, alors que les manifestations se multiplient en France contre diverses mesures fiscales (hausse de la TVA, «écotaxe»...) et que l'exécutif est au plus bas dans les sondages.

«Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu'ils paient est juste, que le système est efficace», a reconnu M. Ayrault.

De fait, selon un sondage YouGov réalisé pour le Huffington Post et I-télé, 81 % des Français jugent le système actuel «injuste».

«Je crois que le temps est venu d'une remise à plat, en toute transparence, de notre système fiscal», et ce «à prélèvements obligatoires constants», c'est-à-dire sans alourdir les impôts et taxes, a ajouté M. Ayrault.

«L'objectif, c'est de parvenir à des règles plus justes, plus efficaces et plus lisibles», a-t-il assuré, promettant de «faire des propositions au Parlement» dans le cadre du projet de budget 2015.

Le premier ministre a néanmoins assuré qu'il ne reculerait pas sur la hausse prévue au 1er janvier de la TVA (de 19,6 % à 20 % pour le taux normal, et de 7 à 10 % pour le taux intermédiaire), qui suscite une opposition grandissante de plusieurs professions et personnalités politiques, de droite comme de gauche.

L'«écotaxe», taxe sur les poids lourds qui a déclenché la contestation des dernières semaines, apparaît de son côté rangée pour un bon moment dans les cartons, et restera suspendue tout le temps de cette «remise à plat» générale.

«Big bang» ou «écran de fumée»?

L'annonce du premier ministre a d'autant plus surpris qu'elle est venue contredire le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, qui expliquait il y a deux semaines qu'il n'y aurait pas de «bouleversement» de la fiscalité française tant que la croissance serait atone. Le ministre du Budget Bernard Cazeneuve avait lui aussi prévenu en juillet que «le grand soir fiscal n'existe pas».

Saluée par la majorité écolo-socialiste - un «véritable big-bang» selon le porte-parole des députés PS -, l'annonce d'une refonte fiscale a été globalement bien accueillie par les syndicats qui la réclamaient avec insistance.

Sans surprise, l'opposition est montée au créneau, les centristes dénonçant un «écran de fumée».

«La priorité, ce n'est pas de savoir si on remélange encore les impôts dans un sens ou dans un autre, c'est comment on les baisse. Il faut rendre de l'argent aux gens», a ainsi réagi Jean-François Copé, président de l'UMP, le principal parti d'opposition.

Le patron des patrons, Pierre Gattaz, s'est lui aussi montré dubitatif, prévenant qu'il «ne restera pas (dans la concertation) si c'est juste pour faire un jeu de bonneteau sur la fiscalité».

Le Front de gauche (communistes et gauche antilibérale) a lui aussi dénoncé un «effet d'annonce», destiné selon lui à «éviter la multiplication des bonnets de toutes les couleurs», en référence aux désormais célèbres «bonnets rouges», qui mènent une fronde antifiscale en Bretagne et ont promis un grand rassemblement le 30 novembre.

Dès jeudi, les agriculteurs de la région parisienne ont aussi prévu d'organiser un blocus de Paris pour protester contre la «surfiscalisation». La veille, artisans et commerçants veulent lancer une campagne de mobilisation nationale pour protester contre l'«asphyxie» du secteur.