La rupture entre Silvio Berlusconi et son ancien dauphin Angelino Alfano, était en passe d'être consommée samedi, alors que le Cavaliere avait espéré jusqu'au dernier moment éviter une scission entre «loyalistes» et «rénovateurs» pour relancer sa formation Forza Italia.

«Tu quoque fili» (toi aussi, mon fils): à la manière de César reconnaissant Brutus, qu'il considérait comme un fils, parmi ses assassins, le Cavaliere aura sans doute la dent dure contre son ex-fidèle lieutenant lors d'un conseil national du Peuple de la Liberté (PDL), organisé samedi à Rome pour entériner la renaissance de Forza Italia.

Après des négociations jusqu'à tard vendredi, M. Alfano, un avocat sicilien de 43 ans qui a fait toute sa carrière politique dans l'ombre du Cavaliere, a acté le «divorce» d'avec son mentor, entraînant dans son sillage plus de 50 parlementaires sur près de 200 qui formeront des groupes autonomes sous l'étiquette «Nouveau centre droit».

«Je suis là pour faire un choix que je n'aurais jamais pensé faire: ne pas adhérer à Forza Italia», a dit M. Alfano, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur du gouvernement gauche-droite d'Enrico Letta. Il a justifié sa décision par le fait que «les forces les plus extrêmes ont prévalu au sein du PDL».

L'un des scissionnistes, le ministre des Transports Maurizio Lupi, un fidèle de Berlusconi, a rejeté le terme de «traître», estimant dans Repubblica que «le virus des ''faucons'' avait détruit le parti».

Pour le Corriere della Sera, cette situation est à mettre au débit du seul Cavaliere, les cinq ministres PDL n'ayant fait que «suivre avec cohérence la ligne indiquée par Berlusconi après les élections de février (qui était de participer) à un gouvernement de coalition pour affronter la crise et approuver les réformes institutionnelles dont le pays a besoin».

C'est aussi en suivant ce cap que les cinq «rebelles» avaient, chose inédite, refusé le 3 octobre de suivre les consignes de vote du Cavaliere pour faire chuter le gouvernement au Parlement, contraignant leur chef à une humiliante volte-face publique, juste avant le scrutin.

Depuis, les divisions entre partisans d'Alfano, appelés «rénovateurs», et les fidèles du Cavaliere n'ont fait que s'accroître.

Pour le Corriere della Sera, Berlusconi, 77 ans, n'a à s'en prendre qu'à lui-même, lui qui a toujours mis en avant ses seuls intérêts personnels.

Condamné à un an de prison pour fraude fiscale à l'issue du procès Médiaset, il devra en effet affronter le 27 novembre un vote au Sénat sur sa destitution en vertu d'une loi adoptée en 2012. Ces derniers jours, il a recommencé à menacer le gouvernement de lui retirer son soutien s'il devait vraiment être chassé dans deux semaines du parlement.

«Encore une fois les ennuis judiciaires de l'ex-premier ministre ont eu raison de toute autre considération», analyse l'éditorialiste du Corriere Luciano Fontana. «Intérêts privés et publics ont été mélangés, sans refléter ceux du pays et du centre droit (..) enfermé dans la prison de la destitution», ajoute le journaliste, pour qui «les 20 ans de berlusconisme sont arrivés à leur fin».

Ce que la Stampa a appelé «le premier acte de l'après-Berlusconi» risque fort de laisser des traces sur la scène politique italienne.

Première conséquence, immédiate, selon le quotidien, et «la plus importante»: «le gouvernement est sauvé, il a désormais une nouvelle majorité, plus restreinte mais également - il faut l'espérer - plus soudée».

Mais, pour l'expert politique Marcello Sorgi, Enrico Letta devra aussi affronter «une opposition plus forte, au sein de laquelle Berlusconi et Grillo (le fondateur du mouvement Cinq Étoiles, ndlr) entreront en compétition afin de porter des coups à Letta et à lui rendre la vie impossible au Parlement et dans le pays», en chevauchant les idées les plus populistes et extrémistes.