Treize journalistes de la version ukrainienne du magazine Forbes ont donné leur démission pour protester contre la censure exercée selon eux par le nouveau propriétaire proche du président Viktor Ianoukovitch, a annoncé jeudi l'un d'eux à l'AFP.

«On nous a fait comprendre qu'il y aurait des sujets sur lesquels on ne pourrait pas écrire», a déclaré Olexandre Rouban, responsable de la version internet du magazine publié en Ukraine avec l'autorisation de la maison mère américaine.

«Cela ressemble à de la censure», a-t-il ajouté.

Les treize journalistes de Forbes Ukraine, dont M. Rouban, expliquent leur démission par «les tentatives de changer la politique rédactionnelle», dans une lettre disponible sur l'internet.

Ils ont donné leur démission après que le rédacteur en chef de la publication, Mikhaïlo Kotov, eut refusé qu'ils travaillent sur un sujet concernant le puissant premier vice-premier ministre ukrainien Sergueï Arbouzov. Celui-ci est considéré comme appartenant à la «Famille», le puissant clan politico-financier réunissant plusieurs des proches du président ukrainien Viktor Ianoukovitch.

«Il y a eu d'autres cas auparavant, lorsqu'on refusait de publier nos articles sans explication», a souligné M. Rouban.

Forbes Media, la maison mère américaine, a réagi jeudi, soulignant qu'elle «surveillait de près la situation».

«Toutes nos éditions sous licence à l'étranger doivent respecter les normes rédactionnelles de Forbes», a indiqué le groupe.

«L'indépendance rédactionnelle a une importance primordiale pour Forbes», a-t-il ajouté.

M. Kotov s'est défendu jeudi dans une interview au quotidien Kommersant Ukraine, revendiquant le droit de valider les articles et niant exercer une censure au service du propriétaire.

«Ce n'est pas vrai, ces choses-là ne sont pas liées», a-t-il déclaré. «Je dois contrôler la préparation des articles», a-t-il précisé.

Il a souligné qu'il ne considérait pas comme «primordial» le sujet sur M. Arbouzov que les journalistes lui avaient proposé.

«Forbes a été et restera indépendant», a-t-il assuré.

En juin, lorsque Forbes était passé sous contrôle du magnat Sergueï Kourtchenko proche du président, son rédacteur en chef de l'époque, Volodymyr Fedorine, avait donné sa démission, jugeant que le changement de propriétaire avait pour but «de faire taire les journalistes avant l'élection présidentielle de 2015».