L'Union européenne et la Turquie ont ouvert mardi à Bruxelles un nouveau chapitre des négociations d'adhésion de ce pays, affirmant leur volonté d'accélérer le processus, mais dans un contexte d'atteintes aux droits de l'homme et de la liberté de la presse.

«C'est un tournant dans les relations entre l'UE et la Turquie après un hiatus de 40 mois», s'est félicité le ministre turc des Affaires européennes, Egemen Bagis, à l'issue de la 10e réunion consacrée au processus d'accession de la Turquie.

Au même moment, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à Strasbourg condamnait la Turquie pour des actes de torture auxquels l'un de ses ressortissants avait été soumis en 1999 par la police qui cherchait à le faire parler en garde à vue.

Et dans la nuit de lundi à mardi, un tribunal d'Istanbul a condamné six journalistes turcs à la prison à vie pour appartenance à un petit parti marxiste interdit dans le pays, selon des ONG de défense de la liberté de la presse.

À Bruxelles, M. Bagis et le commissaire à l'Élargissement, Stefan Füle, ont, eux, officiellement ouvert le chapitre 22 sur la politique régionale. Le feu vert avait été donné en octobre par les ministres de l'UE chargés des Affaires européennes, quatre mois après la date prévue en raison de la répression par les autorités turques de la vague de contestation civile partie de la place Taksim à Istanbul.

M. Füle a appelé Ankara à «s'engager davantage» afin de permettre l'ouverture de deux autres chapitres portant sur les droits fondamentaux, la justice, la liberté et la sécurité. «Cela prendra, nous l'espérons, moins de trois ans et demi», le délai depuis la dernière ouverture, a-t-il déclaré devant la presse.

M. Bagis a assuré qu'Ankara était prêt «pour le mariage, c'est-à-dire l'accession totale à l'UE» même si l'opinion turque souffre de «lassitude» ajoutant que «l'UE a besoin de la Turquie au moins autant que la Turquie a besoin de l'UE».

Le ministre turc a notamment souligné la levée du blocage par Paris des négociations engagé par le prédécesseur de François Hollande, Nicolas Sarkozy. «Les relations entre la France et la Turquie sont devenues florissantes», a-t-il précisé, en espérant que M. Hollande, prochainement attendu à Ankara, lèvera «le blocage sur quatre autres chapitres».

Dans son rapport de suivi publié en octobre, la Commission européenne avait dénoncé le «recours excessif à la force de la police» à Istanbul en juin, tout en saluant les «pas importants» faits malgré tout par le pays en matière de démocratie.

La Turquie est officiellement candidate depuis 1999, mais le processus de négociations, engagé en 2005, s'avère le plus lent jamais mené par l'UE avec un aspirant à l'adhésion. Sur les 35 chapitres de négociations, quatorze ont été ouverts et un seul a jusqu'ici pu être bouclé. L'UE a en outre gelé des pans entiers de négociations face au refus de la Turquie d'élargir à la République de Chypre, membre de l'UE, le bénéfice des accords de libre circulation qui la lient au bloc européen.

M. Bagis s'est déclaré «optimiste» sur la relance des négociations entre les deux parties de Chypre ainsi qu'avec la Grèce.