Le géant gazier russe Gazprom a accusé mardi l'Ukraine d'un retard de paiement de près d'un milliard de dollars, laissant planer la menace d'un nouveau conflit gazier au moment où Kiev s'apprête à se rapprocher de l'UE.

«Nous sommes extrêmement inquiets de la situation actuelle des paiements du gaz russe par l'Ukraine», a déclaré le président du groupe public russe, Alexeï Miller, cité par les agences russes.

Le patron de Gazprom a expliqué avoir consenti un délai à l'Ukraine pour payer une facture de 882 millions de dollars pour du gaz livré en août, mais il a souligné que ce délai avait expiré le 1er octobre. «La situation est très sérieuse, car le contrat prévoit qu'en cas de violation des conditions des paiements, on passe à un système de paiement à l'avance», a-t-il prévenu.

Mise à exécution, cette menace signifierait que l'Ukraine, en récession depuis un an et en proie à des difficultés budgétaires, pourrait se trouver privée de gaz si elle n'était pas capable d'avancer l'argent.

Le numéro deux de Gazprom, Alexandre Medvedev, a précisé plus tard dans la journée qu'une décision pourrait être prise dès mardi.

Le premier ministre ukrainien, Nikolaï Azarov, a reconnu des «problèmes, mais pas critiques», estimant que la question devait se régler entre Gazprom et l'opérateur gazier ukrainien, Naftogaz.

Cette déclaration a entraîné une réplique immédiate de son homologue russe, Dmitri Medvedev, qui a jugé la question «critique». «Faute de réaction, il faudra passer à un système de paiement à l'avance», a-t-il tranché.

Les relations tendues entre les deux voisins ont conduit ces dernières années à des interruptions des livraisons de gaz à l'Ukraine qui en est très dépendante, malgré de nombreuses initiatives pour trouver de nouvelles sources d'approvisionnement.

Kiev demande une réduction du prix imposé par Moscou qui souhaite de son côté que l'ex-république soviétique intègre son Union douanière et octroie à Gazprom une part dans son réseau de transport du gaz.

Ces conflits gaziers ont perturbé à deux reprises (2006 et 2009) les exportations de gaz russe vers l'UE, qui transite en grande partie par l'Ukraine.

Gazprom fournit plus du quart de la consommation de gaz en Europe et les exportations sont en forte progression depuis le début de l'année, marquée par plusieurs périodes de froid.

En janvier dernier déjà, Gazprom avait réclamé à Kiev sept milliards de dollars pour du gaz non consommé, mais prévu par le contrat.

Ces nouvelles menaces interviennent à l'approche du sommet de Vilnius, prévu les 28 et 29 novembre, pendant lequel l'Ukraine pourrait signer un accord d'association avec l'UE. Bruxelles pose cependant comme condition la libération de l'ex-première ministre et opposante Ioulia Timochenko.

Le porte-parole du Kremlin a nié tout lien entre les deux questions.

«Le sujet des dettes gazières n'est pas politique et n'est en aucun cas lié à un accord d'association avec l'UE», a indiqué Dmitri Peskov à l'agence officielle Itar-Tass. «Mais il est tout à fait évident qu'il est temps d'exprimer fermement notre position», a-t-il ajouté.

«Bien sûr, c'est de la politique», tranche Vladimir Jarikhine, expert de l'Institut des pays de la CEI, qui soupçonne Kiev de jouer sur la question gazière pour s'attirer la protection de l'UE.

Pour Nikolaï Petrov, de l'École supérieure d'Économie, la Russie «cherche à montrer à l'Ukraine que signer un accord avec l'UE serait une grave erreur».

«La Russie était prête à proposer à l'Ukraine des sommes considérables pour l'attirer dans l'Union douanière et maintenant elle est prête à utiliser cet argent pour lui déclarer la guerre», ajoute cet expert interrogé par l'AFP.

Moscou a mis en garde Kiev contre de possibles conséquences commerciales d'une association avec l'UE, qui se traduirait par la création d'une zone de libre-échange.

Cet été, Moscou a banni de son sol les populaires chocolats ukrainiens Roshen. Si la raison est officiellement sanitaire, les observateurs y ont vu un avertissant pour l'Ukraine, dont le quart des exportations est destiné à la Russie.