Les dirigeants turcs ont inauguré mardi à Istanbul un premier tunnel ferroviaire sous le Bosphore, le Marmaray, un des mégaprojets urbains contestés du premier ministre islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan.

Après neuf ans d'attente, le Marmaray, un tunnel de 14 km, dont une portion immergée de 1400 m, relie désormais les deux continents du Bosphore, joyau de la première métropole turque.

Il transportera ses premiers passagers d'Asie en Europe avec pour objectif de fluidifier le trafic intercontinental, sur un trajet effectué quotidiennement par plusieurs millions de Stambouliotes.

«Marmaray qui était un rêve pendant 150 ans est finalement devenu réalité», a déclaré M. Erdogan lors d'une longue cérémonie officielle devant une foule compacte de plusieurs milliers de stambouliotes venus l'acclamer sur la place d'Üsküdar, située sur la partie asiatique d'Istanbul.

C'est M. Erdogan, ancien maire d'Istanbul qui a inauguré le tunnel lors d'une grande cérémonie sur le quai asiatique d'Üsküdar à 13 h GMT (9 h à Montréal).

Il était accompagné, jour anniversaire de la fondation de la République turque en 1923, par le chef du gouvernement japonais Shinzo Abe, principal pourvoyeur de fonds du projet.

L'idée de percer un tunnel sous le Bosphore a été évoquée pour la première fois en 1860 par un sultan ottoman, Abdulmedjid. Mais faute de technique et de fonds suffisants, elle ne s'était jamais concrétisée.

Le projet a été relancé dans les années 1990 avec l'explosion démographique d'Istanbul, dont la population a doublé depuis 1998 pour dépasser les 15 millions d'habitants.

Grâce à l'appui financier de la Banque du Japon pour la coopération internationale (plus d'un milliard de dollars) puis de la Banque européenne d'investissement (BEI), le premier coup de pioche a été donné en mai 2004 par un consortium d'entreprises turques et japonaises.

Le coût total du projet est évalué aujourd'hui à trois milliards d'euros (plus de 4 milliards de dollars).

Les travaux devaient initialement être achevés en quatre ans, mais ont été longtemps suspendus par la découverte d'une série de trésors archéologiques.

Le tunnel, un double tube immergé à plus de 50 m sous le lit du Bosphore, est aujourd'hui enfin achevé. Dans cette région à forte activité sismique, il est censé pouvoir résister à des séismes d'une magnitude de 9 sur l'échelle ouverte de Richter.

Avec cet ouvrage, à terme relié à 75 km de voies nouvelles, les autorités veulent mettre un terme aux souffrances des deux millions de Stambouliotes qui, chaque jour, traversent le Bosphore sur ses deux ponts, toujours saturés.

Mais certains spécialistes sont dubitatifs de la portée du projet même si le tunnel a suscité moins de critiques que le futur troisième aéroport de la ville, le canal de 45 km parallèle au Bosphore ou le troisième pont sur le détroit, ces projets «pharaoniques» dénoncés comme autant de preuves de la dérive autoritaire et de l'affairisme du gouvernement islamo-conservateur pendant la fronde de juin.

Le projet ne sera pas opérationnel à 100 % immédiatement. Il faudra encore plusieurs années pour que le chantier soit effectivement terminé.

«La portion mise en service est très limitée. Tout ça a été reporté à bien plus tard», a regretté Tayfun Kahraman, le président de la chambre des urbanistes d'Istanbul.

Depuis des jours, des annonces publicitaires diffusées en boucle sur les chaînes de télévision vantent les mérites du projet gouvernemental. «C'était un rêve, il est devenu réalité», proclament les publicités avec pour acteur principal, Erdogan.

Les détracteurs d'Erdogan l'accusent toutefois d'avoir précipité l'inauguration de ce mardi afin de le présenter comme un enjeu avant les élections municipales prévues en mars 2014.

La chambre des ingénieurs et des architectes (TMMOB) a même conseillé aux Turcs de ne pas emprunter cette nouvelle route «pour des raisons de sécurité», un appel rejeté par le maire d'Istanbul, Kadir Topbas, qui jure que Marmaray est sûr.