Nouvelle étape vers l'expulsion du Sénat de Silvio Berlusconi: la cour d'appel de Milan a fixé samedi à deux ans la durée de l'interdiction pour l'ex-premier ministre italien d'exercer tout mandat public.

Cette sentence, qui ne prend pas effet immédiatement, s'inscrit dans le cadre du procès fleuve Mediaset intenté au magnat des médias pour fraude fiscale. Il a déjà abouti le 1er août à la première condamnation définitive du Cavaliere à une peine de prison: quatre ans ramenés à un seul en raison d'une amnistie.

En raison de son âge, 77 ans, M. Berlusconi ne la purgera pas derrière les barreaux. Il a demandé à effectuer des travaux d'intérêt général.

La Cour de Cassation avait en revanche annulé la peine «accessoire» interdisant à M. Berlusconi d'exercer un mandat public pendant cinq ans, estimant que celle-ci devait être réduite à entre un et trois ans.

C'est donc chose faite, ce qui -contrairement à ce qui se passe dans les autres démocraties occidentales- ne signifie pas que le Cavaliere va immédiatement abandonner son siège de sénateur.

Tout d'abord, M. Berlusconi qui clame son innocence dans toutes les procédures à son encontre et se dit victime d'«acharnement judiciaire», peut exercer un nouveau recours. Sans se prononcer encore sur ce point, son avocat Ghedini a déjà déclaré qu'il jugeait la peine «excessive».

«C'est une nouvelle pièce dans la mosaïque qui vise à éliminer le leader de dix millions d'Italiens de la scène politique», a commenté le président au Sénat du Peuple de la Liberté (PDL, le parti de M. Berlusconi), Renato Schifani.

Ensuite, la loi italienne prévoit que, même en cas d'interdiction d'exercer une fonction publique, il revient à la chambre à laquelle l'élu appartient de voter en séance plénière pour +valider+ la décision judiciaire. Ce qui promet de nouvelles empoignades politiques et une procédure qui peut durer des semaines, voire des mois.

Dans cette affaire, le milliardaire a été condamné pour avoir artificiellement «gonflé» le prix des droits de diffusion de films, achetés via des sociétés écrans lui appartenant, au moment de leur revente à son empire audiovisuel Mediaset. En constituant des caisses noires à l'étranger, le groupe aurait réduit ses bénéfices en Italie pour payer moins d'impôts.

Le manque à gagner pour le fisc italien a été évalué à 7 millions d'euros.

A terme, la décision aboutira à faire perdre à M. Berlusconi son droit de voter et d'être élu et même la distinction de «Cavaliere del lavoro» (Chevalier du travail) qui lui vaut son surnom.

Cette affaire pourrait toutefois lui valoir son expulsion plus rapidement, peut-être dès novembre, cette fois en vertu d'une loi, votée en 2012 y compris par son propre camp, pour assainir la politique italienne. Cette loi Sévérino (du nom de la ministre de la Justice de l'époque) prévoit la déchéance des parlementaires condamnés définitivement à une peine de prison et leur expulsion pour... six ans.

M. Berlusconi a utilisé tous les moyens possibles pour retarder cette échéance humiliante pour quelqu'un qui, en près de 20 ans, a dirigé l'Italie à trois reprises.

Il a même tenté de renverser le gouvernement de coalition gauche-droite d'Enrico Letta au début du mois en retirant les ministres de son parti... avant de capituler en raison d'une fronde dans son mouvement.

Devant la crainte d'une nouvelle crise, le patron des patrons italiens, Giorgio Squinzi, a répété samedi que le pays, en pleine récession et confronté à un chômage croissant, «a besoin de tout sauf d'instabilité politique». «Les marchés réagissent immédiatement», a prévenu le dirigeant de Confindustria.

M. Berlusconi est par ailleurs sous le coup de deux condamnations contre lesquelles il a fait appel: l'une à sept ans de prison pour prostitution de mineure et abus de pouvoir (Rubygate) et l'autre pour violation du secret de l'instruction (Unipol).