Un don conséquent des actionnaires de BMW au parti d'Angela Merkel a exacerbé les critiques contre le soutien sans faille apporté par la chancelière à l'industrie automobile allemande face aux velléités de Bruxelles de durcir les normes environnementales.

«La famille Quandt (...) achète la politique environnementale de Merkel», a tancé via Twitter Jürgen Trittin, ancien ministre de l'Environnement sous Gerhard Schröder et figure historique des écologistes allemands.

En cause, un généreux don de près de 700 000 euros (près de 980 000 $) accordé le 9 octobre à l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de Mme Merkel par trois membres de la famille Quandt, actionnaires principaux du constructeur automobile haut de gamme BMW.

Pour les trois partis d'opposition, sociaux-démocrates, Verts et gauche radicale, ce cadeau des Quandt, l'une des plus grandes fortunes d'Allemagne, pourrait être lié à la volonté du gouvernement Merkel de refuser des normes européennes plus sévères pour les automobiles en matière de rejets de CO2, qui pèseraient particulièrement sur les grosses berlines allemandes.

Des soupçons relayés par plusieurs associations, dont Greenpeace et Transparency international, qui appellent à un contrôle plus strict des liens entre milieux politiques et économiques, et dénoncent le «calendrier» de ce versement, réalisé quelques jours avant des négociations européennes.

Lundi, les États membres de l'UE ont accepté une nouvelle fois de différer un vote sur la réduction des rejets de CO2 des voitures à 95 grammes par kilomètre en 2020.

Un accord avait été trouvé en juin entre les capitales européennes et le Parlement européen pour parvenir à fixer ce seuil, mais l'Allemagne, sous la pression de son industrie automobile qui juge l'objectif trop ambitieux, demande depuis à ses partenaires d'allonger le délai prévu de quatre ans.

«On n'achète pas le gouvernement», a réagi mercredi au cours d'une conférence de presse Georg Streiter, porte-parole de la chancelière, ajoutant qu'«il ne s'agissait pas d'un don au gouvernement, mais d'un don au parti».

La polémique intervient alors que les Verts allemands ont rompu dans la nuit de mardi à mercredi les discussions de coalition avec la CDU, achoppant notamment sur la question de la fiscalité écologique.

La «chancelière de l'automobile»

Qualifiée de «chancelière de l'automobile» par les médias allemands, Mme Merkel affiche de longue date son soutien indéfectible à l'industrie nationale, un pilier de la première économie européenne, dont elle vante les mérites en termes d'emplois et d'innovations.

Les patrons de ce secteur, qui emploie quelque 750 000 personnes en Allemagne, ont été reçus à 65 reprises à la chancellerie pendant les quatre dernières années, a calculé le quotidien économique Handelsblatt.

Tout en disant comprendre l'engagement de Mme Merkel à défendre les intérêts du secteur automobile allemand, le commissaire européen Günther Oettinger a publiquement estimé que, dans sa position, «on ne peut pas faire autant de lobbyisme tous les jours, mais seulement une fois tous les 36 du mois».

La France, quant à elle, ne s'est pas opposée à un report du vote sur la réduction des rejets de CO2, qui pourrait toutefois coûter cher aux constructeurs français. Traditionnellement positionnés sur des petits modèles, ces derniers ont consenti ces dernières années d'importants investissements pour développer des moteurs moins polluants, malgré une santé financière chancelante.

Selon Ferdinand Dudenhoeffer, spécialiste allemand du secteur, le report de cet objectif pourrait saper les investissements dans les voitures électriques et les modèles hybrides, ainsi que décourager les prises de risques.

De même, l'abandon de l'objectif de 95 grammes pénaliserait les fournisseurs du secteur qui ont commencé à s'adapter à cette nouvelle législation pour 2020, a confirmé à l'AFP le président de l'association européenne des équipementiers automobiles, Jean-Marc Gales.

Le patron de Daimler, constructeur des Mercedes, s'est toutefois dit confiant en ce qui concerne les chances d'aboutir d'ici à la fin de l'année à un compromis. Une alternative pourrait être une exemption temporaire pour les plus gros modèles de voitures, ou une hausse des aides pour accroître la part des voitures électriques et hybrides dans les flottes existantes, selon Dieter Zetsche, interrogé par le magazine Auto Motor und Sport.