Plus de 100 000 fidèles ont participé mardi à Moscou aux célébrations de l'Aid al-Adha, la fête musulmane du sacrifice ternie par un défilé ultranationaliste après des émeutes xénophobes dans la capitale.

Environ 150 jeunes ultranationalistes russes ont défilé mardi soir vers le quartier de Birioulevo, théâtre d'émeutes anti-immigrés dimanche à la suite du meurtre d'un jeune Russe par un Caucasien.

Les manifestants ont brisé des vitres de voitures et scandé «la Russie aux Russes, Moscou aux Moscovites !», a constaté un photographe de l'AFP.

Selon la police, une cinquantaine de personnes ont été interpellées au cours de cette manifestation présentée par les organisateurs comme une «réponse russe à l'Aid al-Adha», après le drame de Birioulevo.

«Ils (les musulmans) vont célébrer leur fête et nous, nous allons rester à la maison, en ayant peur ?! (...) Nous allons protester !», ont annoncé les ultranationalistes sur leur site internet Shturmnovosti.

Egor Chtcherbakov, 25 ans, avait été poignardé jeudi à Birioulevo, dans le sud de capitale, sous les yeux de sa fiancée.

Le meurtrier présumé arrêté

Les autorités ont annoncé mardi l'arrestation de l'auteur présumé du meurtre, un ressortissant d'Azerbaïdjan, ex-république soviétique du Caucase du Sud majoritairement peuplée de musulmans.

«Orkhan Zeïnalov, soupçonné du meurtre d'Egor Chtcherbakov, a été arrêté à Kolomna», une petite ville située à 100 km au sud-est de Moscou, et a été transporté dans la capitale en hélicoptère pour y être interrogé, a indiqué la police, citée par l'agence de presse Interfax.

«L'homme, âgé de 30 ans, vit en Russie depuis 10 ans. Il n'a pas d'emploi permanent et travaille comme taxi clandestin», a précisé le porte-parole du comité d'enquête russe Vladimir Markine dans un communiqué.

«On sait qu'il est violent, agressif, et abuse de l'alcool», a-t-il poursuivi.

Vivre dans la peur d'être agressé

La fête musulmane à laquelle ont participé près de 103 000 personnes à Moscou s'est déroulée sur fond de tensions dans cette ville où les émeutes de dimanche avaient déjà été ponctuées de slogans tels que «La Russie aux Russes !».

Au total, plus de 4000 policiers ont assuré la sécurité pendant la prière.

«Avec tous ces policiers, on se sent plus en sécurité», a confié à l'AFP Bek, un Kirghize de 22 ans, à la sortie de la principale mosquée de la capitale.

Depuis dimanche, Bek, qui travaille dans un restaurant de Moscou, craint d'être agressé. «Je ne vais plus au travail en train, je préfère y aller en voiture», dit le jeune homme.

Abdummallah, 41 ans, ouvrier sur un chantier moscovite, se dit, quant à lui, plus résolu. S'il y a de nouvelles émeutes, «nous sortirons dans la rue pour expliquer aux gens qu'il faut juger le coupable et pas nous tous», dit-il.

Pour Timour, un Tadjik de 28 ans qui travaille comme chauffeur, les émeutes de dimanche «ont été organisées par les autorités qui cherchent à nettoyer la ville à tout prix».

Le maire de Moscou Sergueï Sobianine a appelé mardi à de nouvelles opérations de police contre les commerces où peuvent travailler des immigrés illégaux. «Procédez à des vérifications et prenez les mesures les plus sévères», a-t-il exigé au cours d'une rencontre avec le chef de la police de Moscou, selon Interfax.

La police a arrêté 380 émeutiers après les heurts dimanche. Deux ont été maintenus en détention et 70 seront poursuivis en justice.

Dans le même temps, la police a procédé à de vastes opérations visant les migrants, et 1200 personnes ont été interpellées dès lundi au marché de Birioulevo, où travaillaient pour l'essentiel des migrants du sud de la Russie ou de pays du Caucase et d'Asie centrale, régions dont la population est majoritairement musulmane.

À Saint-Pétersbourg, près de 42 000 fidèles ont fêté l'Aid al-Adha, également sous haute protection policière.

La Russie, qui manque de main-d'oeuvre, accueille des millions d'immigrés, essentiellement originaires des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale.

Ces immigrés travaillent généralement au noir dans des ateliers de confection ou sur les chantiers et les marchés de Moscou et d'autres grandes villes russes, et vivent dans des conditions très difficiles.