Les réfugiés victimes du naufrage de vendredi près de Malte, qui a fait 36 morts selon un nouveau bilan, étaient en majorité des Syriens partis de Libye qui ont été attaqués par les trafiquants pendant la traversée, ce qui a provoqué la tragédie.

Ce bilan «est le plus récent des forces armées, mais il pourrait s'alourdir, nous n'avons pas de liste des passagers et ne savons pas combien de gens chercher», a expliqué à l'AFP un porte-parole du gouvernement maltais. Le nombre possible de passagers oscille entre 270 et 400. Les autorités italiennes et maltaises en ont sauvé plus de 200.

Comme lors de la tragédie du 3 octobre qui a fait 363 morts (et 155 rescapés), essentiellement des Érythréens, les naufragés étaient partis des côtes libyennes. Cette fois-ci ils avaient embarqué à Zouara, à 60 km de la frontière tunisienne.

«Nous avions entendu dire que c'était un moyen de gagner l'Europe. Nous savions que c'était dangereux, mais nous n'avions pas le choix», a raconté à l'AFP Mohammad, sa fille de 5 ans à ses côtés. Il n'a aucune nouvelle de sa femme Taghrid qui était enceinte de jumeaux et de leur autre fille de 7 ans.

Selon ce rescapé, le bateau a été suivi pendant quatre à cinq heures par «des miliciens» libyens qui «tout à coup» leur ont tiré dessus, blessant «deux passagers». Selon lui, «le bateau a commencé à prendre l'eau, s'est rempli très vite» et tout le monde s'est retrouvé à la mer.

Aisha, une Libanaise de 25 ans rescapée elle aussi du naufrage avec son mari syrien Alaa de 27 ans a corroboré à l'AFP cette description des circonstances du naufrage.

«Les miliciens nous ont suivis avec leurs bateaux pendant cinq heures puis ils ont pointé leurs armes sur nous, nous réclamant de l'argent, nos reins, nos foies. Comme personne ne donnait rien, ils ont commencé à nous tirer dessus et ont blessé deux d'entre nous», explique-t-elle, en soulignant que le canot pneumatique a été transpercé par des balles et a commencé alors à se dégonfler.

Selon d'autres témoignages cités par les médias italiens, il y aurait eu un conflit entre les trafiquants et les tirs provenaient d'une vedette libyenne «qui faisait probablement partie d'une autre bande criminelle».

Le premier ministre maltais Joseph Muscat a effectué une visite éclair dimanche à Tripoli pour exprimer sa «solidarité» à son homologue libyen, Ali Zeidan, après son enlèvement express de la semaine passée, et pour discuter du flot ininterrompu de migrants partant de Libye.

Le ministre italien de la Défense Mario Mauro a appelé l'Union européenne à décider lors de son sommet des 24 et 25 octobre de mesures concrètes «pour garantir la stabilité politique des pays africains et affronter les flux migratoires».

Les rescapés interrogés par l'AFP ont raconté avoir payé 1500 dollars par adulte et 900 dollars pour les enfants. «Quand nous sommes montés à bord, les miliciens ont pointé leurs mitraillettes sur nos têtes, j'avais 5000 dollars que j'ai dû leur donner», a raconté Mohammed.

Le capitaine du bateau, un Tunisien reconnu par des survivants, a été arrêté par les autorités maltaises, selon les médias.

Les forces italiennes et maltaises ont continué dimanche de venir en aide à des bateaux de migrants en route vers l'Italie. Un total de 386 personnes ont ainsi été recueillies sur deux embarcations et emmenées vers Pozzallo en Sicile. Une centaine d'autres ont été prises en charge par les autorités de La Valette.

Des vedettes de la police douanière se sont également portées au secours de 200 migrants qui devraient débarquer dans la nuit à Reggio Calabre.

Par ailleurs, 180 migrants égyptiens, somaliens et érythréens, sauvés les jours précédents, sont arrivés dimanche à Porto Empedocle.

C'est dans cette localité qu'ont été acheminés en transbordeur les 150 premiers cercueils des morts du naufrage du 3 octobre, pour être enterrés en majorité en Sicile.

Le premier ministre Enrico Letta a annoncé le lancement lundi d'une «mission militaro-humanitaire» en Méditerrannée, avec un triplement des unités navales mobilisées, renforcées par des moyens aériens pour éviter de nouveaux drames.