Une nouvelle Agence Nationale contre le Crime (NCA), qui s'enorgueillit du sobriquet de «FBI britannique», a été déployée lundi à grand renfort de publicité, mais avec une priorité inattendue : triompher de la bonne dose de scepticisme dont elle fait l'objet.

La troisième tentative en 15 ans sera-t-elle la bonne? Telle était la question sur toutes les lèvres alors qu'étaient largement diffusées les images de la nouvelle force d'élite multitâches à l'entraînement.

Elles mettent en scène l'arrestation de pseudo gangsters, opérée l'arme au poing par une équipe d'intervention en uniformes noirs visiblement inspirés de ceux de la mythique force américaine. À cette différence près qu'ils sont frappés d'un logo en forme de couronne stylisée, éminemment britannique.

La NCA est l'héritière de la National Crime Squad (NCS) créée en 1998, elle-même remplacée en 2006 par la Serious Organised Crime Agency (SOCA) qui devait «transformer en enfer» la vie des criminels, selon la feuille de route du premier ministre de l'époque, Tony Blair.

Trop axée sur le renseignement et pas assez sur l'opérationnel, la SOCA a par ailleurs été minée par des querelles intestines.

Il en ira tout autrement pour la NCA qui dispose «d'un vrai mandat et de réels moyens», assure le Directeur général Keith Bristow, qui s'est démultiplié sur toutes les télévisions et radios du pays.

«Personne ne sera à l'abri», a-t-il martelé en citant pour priorités la lutte contre le crime organisé, le crime économique, la cybercriminalité, tout en préconisant «une tolérance zéro contre la corruption».

Dans le collimateur se retrouvent pêle-mêle les barons de la drogue, les pédophiles, les immigrants clandestins, ceux qui s'adonnent au trafic d'êtres humains ou aux abus envers des mineurs sur l'internet. En Grande-Bretagne et au-delà des frontières.

Keith Bristow déclare avoir dans le collimateur quelque 37 000 criminels, regroupés dans environ 5500 réseaux, dont un cinquième seraient dirigé par des étrangers.

Dans l'accomplissement de sa tâche, la NCA disposera de plus de 4500 agents, dont ceux de la police des frontières.

Placée directement sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, elle est dotée d'un budget d'un demi-milliard d'euros (700 millions de dollars).

La NCA innovera en s'assurant les services de volontaires bénévoles, des «NCA specials» en provenance du secteur industriel ainsi que de banquiers, d'informaticiens et de juristes.

Elle travaillera en coopération avec toutes les forces de police régionales et avec les agences étrangères, et déploiera des représentants dans une quarantaine de pays.

Mais contrairement au FBI, elle n'opèrera pas dans le domaine de l'antiterrorisme, qui reste l'apanage de Scotland Yard.

Le discours résolu de Keith Bristow n'a pas eu raison de la circonspection ambiante.

Les détracteurs reprochent à la NCA d'avoir des prérogatives claires sur seulement trois des quatre composantes du Royaume-Uni : l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Écosse. Il en va différemment de l'Irlande du Nord, dotée d'une large autonomie en matière de police, héritée de plus de trente années de troubles interconfessionnels qui ont ensanglanté la province.

Une controverse a par ailleurs immédiatement vu le jour à propos des liens futurs de la NCA avec Europol, si d'aventure la Grande-Bretagne sortait de l'Union européenne, comme l'envisagent certains responsables politiques dont la ministre de l'Intérieur Theresa May.

«Dans ce cas, il faudrait impérativement trouver d'autres formules de coopération», a fait valoir le patron de la NCA, dans un commentaire perçu comme une mise en garde voilée au gouvernement.

Les critiques les plus nourries sont venues de l'opposition travailliste. Son porte-parole pour les affaires de police David Hanson a estimé que «la NCA est essentiellement un exercice de ravalement, qui vise à rassembler divers organismes préexistants, tout en réalisant des économies budgétaires substantielles de l'ordre de 20 %».