Les Irlandais ont voté par référendum contre l'abolition de la chambre haute du Parlement, infligeant un camouflet surprise au gouvernement de ce pays sous assistance financière qui défendait cette réforme au nom de l'austérité.

Les électeurs se sont prononcés vendredi pour le «non» à la suppression du Sénat irlandais (Seanad Éirean) à 51,7 % (634.437 voix), contre 48,3 % (591.937 voix) pour le «oui», selon les résultats officiels annoncés samedi.

Le taux de participation s'est établi à 39,2 %.

Cet échec constitue une surprise, puisque les sondages pronostiquaient avant le référendum une victoire du «oui».

Les Irlandais «ont rendu leur verdict et je l'accepte», a réagi devant la presse le premier ministre Enda Kenny, qui défendait la suppression de la chambre haute.

Il a rejeté l'idée que le vote exprime un rejet «des partis politiques, des dirigeants, d'un gouvernement».

Mais il a affirmé sa volonté de poursuivre les réformes politiques. «Maintenant que le peuple a pris une décision très claire quant au Sénat, je crois qu'il est important d'examiner quelle est la meilleure façon pour le Sénat de contribuer à ce processus de réforme», a-t-il ajouté.

«C'est un gros revers», a admis le ministre des Transports Leo Varadkar sur la télévision RTE.

Il s'agit du deuxième référendum perdu par le gouvernement de coalition dirigé par Enda Kenny, depuis le début de son mandat en février 2011. Le précédent portait sur la capacité du Parlement à mener des enquêtes.

La proposition de supprimer le Sénat, assemblée de 60 membres qui agit surtout comme une chambre d'enregistrement des textes adoptés par la chambre basse, était défendue par le gouvernement dans un double souci de réforme démocratique et d'économies en temps d'austérité.

Au bord du gouffre après l'explosion de la bulle immobilière et le naufrage de ses banques, l'Irlande, ancien «tigre celtique», avait été contrainte fin 2010 d'appeler à la rescousse ses partenaires européens et le FMI. Elle avait obtenu un plan de sauvetage global de 85 milliards d'euros assorti de conditions draconiennes.

Le pays, qui est sorti depuis de la récession, veut quitter d'ici la fin de l'année ce plan d'aide, et doit présenter son nouveau budget à la mi-octobre.

Le premier ministre Enda Kenny, qui n'a cessé de dénoncer le caractère non démocratique de la chambre haute, affirmait que son abolition permettrait d'économiser 20 millions d'euros par an.

Le chef du gouvernement avait fait de cette réforme une promesse de campagne aux élections législatives de 2011. Elle avait aussi le soutien d'une partie de l'opposition.

Mais les partisans du «non» accusaient le parti Fine Gael (centre droit) du premier ministre de vouloir, sous couvert de faire des économies, centraliser le pouvoir, au lieu d'opérer une réforme politique plus large.

Ces opposants à la suppression de la chambre haute, emmenés par le sénateur John Crown, ont fait une campagne très active, pour réclamer une réforme de l'institution plutôt que son abolition pure et simple.

«Je pense que le gouvernement devrait considérer (ce vote) comme un mandat du peuple pour réformer la politique en Irlande», a réagi John Crown après les résultats.

Les membres du Sénat irlandais sont pour la plupart élus par des collèges d'élus locaux et d'universitaires, tandis que onze d'entre eux sont nommés par le Premier ministre.

La prérogative la plus significative du Sénat est sa capacité à retarder un projet de loi adopté par la chambre basse pour une durée de 90 jours, mais les sénateurs n'y ont eu recours qu'à deux reprises en 75 ans.

Les électeurs devaient aussi lors de ce référendum se prononcer sur la création d'une cour d'appel, destinée à réduire la charge de travail de la Cour suprême, débordée.