Le pape François a plaidé vendredi dès son arrivée à Assise (centre de l'Italie), ville du saint dont il a choisi le nom, pour une Église solidaire avec les marginalisés et agissant pour la paix, au lendemain de la tragédie de Lampedusa.

«Aujourd'hui est une journée de pleurs», a-t-il dit en allusion à la journée de deuil décrétée en Italie pour le naufrage qui a sans doute coûté la vie à quelque 300 migrants.

Très ému, le pape a dénoncé «l'indifférence à l'égard de ceux qui fuient l'esclavage, la faim pour trouver la liberté, et trouvent la mort comme hier à Lampedusa».

François, qui avait qualifié jeudi le drame de «honte», avait déjà tempêté en juillet sur cette île - sa première visite hors de Rome - contre la «mondialisation de l'indifférence» face à des gens qui fuient la guerre et la misère.

Cette visite d'une journée à Assise a une forte valeur symbolique, car elle permet au premier pape originaire d'un pays du Sud d'expliquer son choix d'incarner une Église pauvre, près de sept mois après son élection.

Dans «la salle du dépouillement» justement, le pape a laissé son discours de côté pour appeler les chrétiens à suivre le modèle de pauvreté initié par Saint François en combattant «la mondanité, une lèpre, un cancer de la société, qui tue la personne, qui tue l'Église». Mais il ne s'agit pas, comme l'a cru la presse, que les cardinaux et le pape «se défassent de leurs habits», a-t-il relevé avec humour.

«Le christianisme sans la croix, sans Jésus, sans dépouillement est comme une pâtisserie, une belle tarte. Le danger de la mondanité est un très grand péril», a-t-il dit d'un ton grave.

C'est dans cette salle que François en 1207 s'était dépouillé de ses vêtements devant son père, un riche marchand, pour indiquer que les biens terrestres étaient destinés par Dieu aux plus pauvres.

Le pape a profité de son pèlerinage à Assise, ville de la paix, pour demander au monde de «respecter la création» et d'«entendre le cri de ceux qui pleurent, souffrent et meurent de la violence, du terrorisme et de la guerre», notamment en Syrie.

Il a dénoncé une vision «doucereuse» de l'idéal de paix franciscaine, perçue faussement comme «une espèce d'harmonie panthéiste avec le cosmos». «Ce Saint-François-là n'a jamais existé», s'est-il exclamé.

Le président du Conseil Enrico Letta était présent à la messe, et le pape l'a salué avec une poignée de main cordiale en appelant «à prier pour la nation italienne, pour que chacun regarde plus ce qui unit que ce qui divise».

À l'occasion de la Saint-François, patron d'Italie, il a béni une huile offerte par toutes les communes du pays, qui alimentera une flamme à côté de la tombe de Saint-François.

Jorge Bergoglio s'était auparavant rendu à l'Institut catholique Serafico, où il a salué quelque 80 handicapés physiques et mentaux un à un, les embrassant. «Les plaies ont besoin d'être écoutées et reconnues. Jésus est présent et caché» dans ces jeunes handicapés, a-t-il dit.

Il s'est aussi rendu au sanctuaire de San Damiano, où le saint aurait entendu la voix de Dieu lui dire : «va et répare mon église», en une période où privilèges et scandales étaient nombreux dans l'Église.

Il devait déjeuner avec des pauvres assistés par la Caritas, avant d'aller prier dans la cellule du frère François à l'Eremo (ermitage) dei Carceri.

Le pape est venu à Assise en compagnie des huit cardinaux qui l'ont conseillé pendant trois jours sur les réformes de l'Église.

Entre 60 000 et 100 000 fidèles étaient présents dans la ville du «Poverello». Ceux qui n'avaient pu entrer dans la vieille ville suivaient les cérémonies sur huit écrans géants.

Peu après son élection en mars, l'ex-archevêque de Buenos Aires avait souhaité «une Église pauvre pour les pauvres», ce qui a suscité beaucoup d'attentes, hors et dans une Église qui voit coexister privilèges et réels efforts de dépouillement.

Cette première visite du pape de 76 ans se fait au pas de charge, avec un total de 13 étapes.