Dans un geste de défi ouvert à son mentor, le dauphin de Silvio Berlusconi, Angelino Alfano, a appelé son parti à voter mercredi au Parlement pour le maintien du gouvernement Letta.

«Je reste fermement convaincu que notre parti tout entier doit voter demain la confiance à Letta», a-t-il déclaré mardi. M. Alfano, vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur dans le gouvernement d'union gauche droite d'Enrico Letta, a été, comme quatre de ses collègues, contraint par M. Berlusconi de démissionner.

Selon l'agence Ansa qui cite des sources du siège du gouvernement, M. Letta a refusé d'accepter les démissions des cinq ministres.

Dans une lettre adressée à l'hebdomadaire Tempi, le Cavaliere a fait de nouveau état de sa volonté de «mettre un terme au gouvernement Letta», tout en en «assumant les risques», afin de «résister à l'oppression judiciaire et fiscale».

La Bourse de Milan a terminé la séance en hausse de plus de 3%, les investisseurs et les partenaires européens de l'Italie souhaitant que le gouvernement passe avec succès l'épreuve du vote.

Les cinq ministres s'étaient pliés au bon vouloir de leur chef mais avaient critiqué sa volonté de rupture. Fait sans précédent, M. Alfano, un avocat sicilien de 42 ans qui doit toute sa carrière au Cavaliere, a dit vouloir être «berlusconien autrement». Les deux hommes ont eu un entretien très houleux, selon les médias, lundi soir.

Plusieurs poids lourds du PDL (Peuple de la liberté), dont un autre ancien inconditionnel de Silvio Berlusconi Fabrizio Cicchitto, se sont aussi désolidarisés de leur chef. «Faire tomber le gouvernement serait une erreur (...) il faut prendre en compte le contexte international et européen», a fait valoir M. Cicchitto.

Selon l'ancien ministre et sénateur PDL Carlo Giovanardi, ceux qui veulent rester dans un PDL «pro-européen» et voter en faveur de M. Letta sont nombreux. «Nous sommes plus de 40 (sur 91, ndlr) et nous sommes déterminés à vouloir maintenir l'équilibre du gouvernement», a-t-il dit.

Les «faucons», partisans de la rupture avec Enrico Letta et de la chute du gouvernement, dont Sandro Bondi, coordinateur du PDL, ont pour leur part dit vouloir attendre «la décision du Cavaliere».

«Alfano est un jeunot, moi je ferai ce que me dit Berlusconi, s'il me dit de voter la confiance, je le fais, sinon non», a affirmé le sénateur Antonio Razzi.

Toute la journée de mardi, des réunions ont eu lieu au sein de l'état-major du PDL dans la résidence romaine de Silvio Berlusconi, mais aussi entre ministres frondeurs au Palais Chigi. MM. Alfano et Berlusconi devaient se revoir dans la soirée.

En vue du vote de confiance prévu pour la mi-journée mercredi, le gouvernement Letta bénéficie du soutien assuré de 137 élus et il lui suffirait d'une vingtaine de transfuges, parmi les déçus du Mouvement Cinq Étoiles de Beppe Grillo et les «colombes» du camp Berlusconi, pour avoir la majorité absolue (161).

M. Letta a fait part de son intention de se présenter au Parlement avec un véritable programme pour gouverner jusqu'en 2015, comprenant une réforme de la loi électorale (qui aujourd'hui n'assure pas une majorité gouvernementale stable) et des mesures de relance économique.

La classe politique «a perdu de vue son rôle»

Selon l'ex-parlementaire PDL Giorgio Stracquadanio, M. Berlusconi «n'est pas lucide» car il craint d'être placé en détention après la perte très probable d'ici à la mi-octobre de son immunité de sénateur. Le Cavaliere risque une arrestation dans le procès Ruby pour abus de pouvoir et prostitution de mineure et des poursuites pour corruption de sénateur.

Pour le commentateur politique du Sole 24 Ore Stefano Folli, Silvio Berlusconi s'est rendu compte que le vote de confiance risquait d'être «un saut dans le vide pour lui, pour son parti, ses amis, son empire économique et familial» Mediaset/Fininvest.

Interrogée à Rome, Evelyn Mastomonaco, une enseignante de 41 ans, a dénoncé une classe politique qui «a perdu de vue son rôle consistant à se préoccuper du bien commun et pas de ses propres intérêts».

L'Italie est en récession depuis près de deux ans avec un chômage qui a atteint 12,2% en août (et dépassé les 40% le même mois pour les jeunes actifs).