Le Bundestag compte pour la première fois des députés d'origine africaine, le Germano-Sénégalais Karamba Diaby, élu dimanche sous l'étiquette sociale-démocrate (SPD) et l'acteur allemand d'origine sénégalaise, Charles M. Huber, élu des conservateurs (CDU) d'Angela Merkel.

«C'est une sensation agréable. Je me réjouis d'avoir la possibilité de façonner la politique au Bundestag», a déclaré M. Diaby, 51 ans, à l'AFP. «Si je peux apporter ma contribution au fait que d'autres soient sensibilisés aux chances et possibilités offertes aux personnes ayant des racines immigrées, c'est très bien.»

Né le 27 novembre 1961 à Dakar, M. Diaby est arrivé en 1985 dans ce qui était alors la RDA communiste, après avoir obtenu une bourse pour apprendre l'allemand et étudier la chimie.

Il s'installe d'abord à Leipzig, puis rejoint Halle en 1986, où il vit depuis avec sa femme allemande et leurs deux enfants.

«J'aimerais être jugé sur mes compétences et mon expérience plutôt que sur ma couleur de peau», affirmait avant le scrutin M. Diaby, déjà élu municipal de sa ville et chargé du dossier intégration au sein du gouvernement de l'État régional de Saxe-Anhalt.

Charles M. Huber, lui, n'est pas un inconnu pour la majorité des Allemands. Ce fils d'un diplomate sénégalais et d'une Bavaroise, né à Munich (sud) le 3 décembre 1956, est acteur et a incarné de 1986 à 1997 le rôle de l'inspecteur Henry Johnson, dans la série policière «Le Renard».

«Chers amis. JE SUIS AU BUNDESTAG. La liste est passée!!!», a-t-il déclaré sur son compte Twitter (@charlesmhuber.de).

La chambre basse du Parlement allemand comptait déjà depuis 2002 un député de couleur, Josef Winkler (Verts), dont la mère est originaire de l'État de Kerala, en Inde. Il a été battu dimanche.

«Pour la première fois, il y a effectivement deux députés germano-africains, c'est très bien, mais cela aurait naturellement dû et pu se produire beaucoup plus tôt», a commenté Ferda Ataman, du service d'information des médias sur l'intégration.

Pour Dietrich Thränhardt, politologue spécialiste des minorités et de l'immigration à l'Université de Münster (nord-ouest), interrogé par l'AFP, les législatives 2013 se situent «dans la continuité d'une évolution observée depuis une dizaine d'années».

L'entrée de deux élus germano-africains ne constitue donc pas en soi «une sensation en Allemagne, car il y avait déjà une attention portée sur les candidats de la minorité turque qui sont politiquement très actifs».

Selon le service d'information des médias sur l'intégration, le nouveau Bundestag compte 34 élus aux racines étrangères sur 630, soit 5,4% du total, en progression par rapport à l'assemblée sortie des urnes en 2009 (21 sur 622 députés, soit 3,4%).

«C'est dans la moyenne européenne, estime M. Thränhardt. «C'est moins qu'aux Pays-Bas ou en Suède, mais plus qu'en Suisse», a-t-il souligné, avançant plusieurs explications au cas allemand.

D'abord, dit-il, la politique est ici «très localement enracinée» et «quand quelqu'un de nouveau arrive, il a besoin d'un certain temps» pour s'implanter. «L'une des autres grandes raisons est que l'Allemagne a un faible taux de naturalisation, en comparaison par exemple avec la France», a-t-il expliqué.

Par conséquent, «il y a longtemps eu cette idée que les «travailleurs invités» («Gastarbeiter», en provenance de Turquie notamment) allaient rentrer chez eux, cela a changé depuis une quinzaine d'années.»

Ce changement s'est traduit dans les urnes dimanche : les députés d'origine turque sont deux fois plus nombreux qu'en 2009 (11 contre 5) et pour la première fois, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel compte une élue de religion musulmane : Cemile Giousouf, 35 ans, dont les parents faisaient partie de la minorité turque de Grèce.

«C'est quelque chose de très significatif et une véritable percée», a jugé M. Thränhardt.