La communauté sikhe de France, forte de 30 000 membres, se mobilise pour que ses enfants puissent porter le turban dans les écoles publiques où tous les symboles religieux sont bannis.

Les écoles publiques françaises ont commencé à afficher en septembre une «charte de la laïcité», sur une directive du ministre de l'Éducation Vincent Peillon.

Cette charte reprend une loi de 2004 qui interdit «le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse», visant ainsi le voile, la kippa et l'étoile de David, la croix et... le turban sikh.

Or, «la croix, le voile et la kippa ne sont pas obligatoires et ce sont des symboles», fait valoir Kashmir Singh, membre du comité d'administration du principal temple sikh de France, situé à Bobigny, banlieue nord-est de Paris.

Pour les Sikhs, «en revanche, le kesh (port des cheveux longs) et le pagri (turban) sont obligatoires et ce ne sont pas des symboles, mais une part sacrée inhérente à notre religion», explique-t-il.

Pour la communauté sikhe, c'est par ignorance que la France assimile le pagri à un symbole religieux manifestant l'appartenance à une croyance, alors qu'il s'agit, selon elle, d'un symbole de l'égalité, de la fraternité et de la liberté, les trois piliers de la Révolution française.

En Inde, il y a cinq siècles, «seule l'aristocratie musulmane et les autorités avaient le droit de porter le turban et, parmi les hindous, il était réservé à la caste des prêtres: notre religion a mis fin à cette situation», rappelle Bikramjit Singh, ingénieur sikh de 27 ans, qui a quitté son école en France en 2004, après le vote de la loi.

«En France, le roi a eu la tête coupée pour que tous puissent être égaux: nous, nous avons adopté le turban pour que chacun puisse être roi», résume-t-il. La République serait donc, selon lui, en train de rejeter sans le savoir les principes auxquels elle tient le plus.

Discussions avec la France et l'Inde

«Nous sommes en discussion avec (le ministre français de l'Intérieur) Manuel Valls, afin de lui expliquer notre cas, qui est unique, et lui demander d'être exemptés de l'application de la loi», précise Kashmir Singh.

«Nous avons rencontré aussi (le premier ministre sikh indien) Manmohan Singh, lui demandant de faire pression sur la France pour que justice soit faite», ajoute-t-il.

La communauté sikhe a toutefois déjà essayé à plusieurs reprises, depuis 2004, d'être exemptée de l'application de cette loi, sans succès. Elle voudrait aussi obtenir le statut de «religion», alors que l'État français la considère comme une «secte».

«Nos enfants sont expulsés des écoles ou empêchés de vivre leur foi», déplore Kashmir Singh.

Dix enfants sikhs ont été expulsés de l'école publique depuis 2004, selon les statistiques officielles.

Mais le chiffre est bien plus important, selon la communauté sikhe, si l'on prend en compte «les écoles qui n'acceptaient nos enfants qu'à condition de renoncer au pagri, les forçant à aller dans des écoles privées ou à suivre des cours à distance», selon Kashmir Singh.