L'une des pages les plus étranges de la guerre froide a été tournée pour de bon hier. Trente-cinq ans jour pour jour après l'empoisonnement rocambolesque de l'un de ses citoyens, la Bulgarie a annoncé qu'elle renonçait à faire la lumière sur ce qui est connu depuis comme le «cas du parapluie bulgare».

Ce qu'on connaît de la mort de Georgi Markov, écrivain et dissident de l'ex-régime communiste bulgare qui était «passé à l'ouest», relève du film de James Bond. Le 7 septembre 1978, Markov attend l'autobus sur le pont Waterloo, à Londres, lorsqu'un homme le heurte avec un parapluie.

Markov ressent alors une vive douleur à la jambe. L'homme au parapluie s'excuse dans un anglais teinté d'un fort accent étranger, puis disparaît dans la foule.

Quatre jours plus tard, Georgi Markov meurt dans un hôpital londonien. Grâce à une autopsie menée par Scotland Yard, on découvre un projectile métallique de la grosseur d'une tête d'épingle dans son mollet. La capsule contient de la ricine, un poison 6000 fois plus puissant que le cyanure.

Qui a tué Georgi Markov? La porte-parole du bureau du procureur bulgare, Rumiana Arnaudova, a expliqué hier que les autorités renonçaient à tenter de le savoir. Le délai de prescription étant expiré et aucun suspect n'étant dans la ligne de mire des enquêteurs, ceux-ci ont décidé de fermer le dossier.

Le seul espoir d'élucider l'histoire se trouve maintenant dans les mains des autorités britanniques, qui poursuivent leur propre enquête sur ce qui reste l'un des assassinats les plus spectaculaires de la guerre froide.

D'autres empoisonnements politiques spectaculaires

Viktor Iouchtchenko

Héros de la fameuse révolution orange, l'ex-président ukrainien Viktor Iouchtchenko est encore défiguré par un empoisonnement à la dioxine subi en 2004. M. Iouchtchenko se battait pour remporter l'élection présidentielle en Ukraine lorsqu'il est soudainement tombé malade. Il a toujours prétendu avoir été victime d'une tentative d'assassinat, et des médecins autrichiens ont confirmé la thèse de l'empoisonnement. M. Iouchtchenko a été déclaré perdant de l'élection quelques mois après l'incident, mais des soupçons de fraude électorale ont déclenché le vaste mouvement de contestation appelé «révolution orange» qui l'a finalement amené au pouvoir. Iouchtchenko a occupé la présidence de l'Ukraine jusqu'en 2010.

Omar Ibn al-Khattab

Il serait né en Jordanie ou en Arabie saoudite, a été financé par Oussama ben Laden et a combattu au nom de l'islam dans tous les coins du Moyen-Orient, dont l'Afghanistan, où il aurait fondé des camps d'entraînement pour les terroristes. Mais c'est en Tchétchénie qu'Ibn al-Khattab, surnommé l'Arabe noir, s'est surtout fait connaître en dirigeant de nombreuses guérillas contre les Russes. Les rebelles tchétchènes affirment qu'il est mort en mars 2002 après avoir reçu une lettre piégée envoyée par un messager recruté par les services secrets russes. La lettre contenait un poison qui, selon des spécialistes, aurait pu être du sarin ou l'un de ses dérivés.

Alexander Litvinenko

Cet ex-agent secret russe est mort à Londres le 23 novembre 2006 dans ce qui a toutes les allures d'un empoisonnement au polonium 210, une substance radioactive. M. Litvinenko avait trouvé refuge au Royaume-Uni après avoir multiplié les critiques envers le régime de Vladimir Poutine. Il a notamment accusé les services secrets russes d'avoir commis des actes terroristes pour amener Poutine au pouvoir et d'avoir commandé le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa. M. Litvinenko est tombé gravement malade le 1er novembre après avoir bu un thé vraisemblablement empoisonné au polonium 210. Il est mort trois semaines plus tard. Londres soupçonne que le meurtre a été commis par Andrey Lugovoy, un autre ex-agent du KGB que Moscou refuse d'extrader.

- avec The Guardian et BBC

Archives AFP

Ces deux photos montrent l'ex-président ukrainien Viktor Iouchtchenko avant et après l'empoisonnement à la dioxine dont il a été victime en 2004.