L'opposant russe Alexeï Navalny a déposé jeudi des milliers de pages de plaintes pour exiger l'annulation de l'investiture, prévue le même jour, du maire sortant de Moscou dont il conteste la victoire à l'élection municipale.

«Nous pensons que l'élection dans son ensemble doit être annulée», a déclaré M. Navalny aux journalistes lors de son arrivée vers midi au tribunal municipal de Moscou.

Selon un photographe de l'AFP, M. Navalny est arrivé avec une vingtaine de cartons remplis de documents, aidé de plusieurs de ses partisans.

Selon son directeur de campagne, Leonid Volkov, 951 dossiers de plainte ont aussi été déposés dans 36 tribunaux de quartier à Moscou.

Le maire sortant, Sergueï Sobianine, un ancien chef de cabinet du président russe Vladimir Poutine, a été officiellement déclaré élu au premier tour avec 51,3 % des suffrages.

Mais Alexeï Navalny, un avocat de 37 ans et leader charismatique de l'opposition russe, qui a obtenu un score plus élevé que prévu avec 27,2 % des suffrages, affirme qu'il y a eu des fraudes et exige un second tour.

«Si tout se passe dans le respect de la loi, alors après l'annulation des résultats de plusieurs bureaux le score de Sobianine tombera à environ 49,4 %, l'investiture devra être annulée et un second tour devra être organisé», a-t-il déclaré mercredi.

Une porte-parole du tribunal municipal de Moscou a confirmé jeudi avoir reçu les plaintes de l'opposant, mais a précisé que le tribunal avait jusqu'à deux mois pour les examiner, et qu'il n'était donc pas question d'annuler la cérémonie d'investiture, selon les agences de presse russes.

Alexeï Navalny dénonce notamment des fraudes dans le recours au vote à domicile, dans le vote de contingents militaires, ainsi que le recours massif aux médias officiels pour la campagne du maire sortant.

Compte tenu d'une faible participation (32 %), le litige potentiel porterait sur une trentaine de milliers de suffrages qui auraient permis au maire sortant de l'emporter dès le premier tour, selon des estimations.

La cérémonie d'investiture de M. Sobianine a débuté à 18 h locales (10 h à Montréal) jeudi en présence de Vladimir Poutine.

Elle a lieu en grande pompe, dans un musée situé dans le parc de la Victoire dans l'ouest de la capitale, dédié à la victoire soviétique dans la Seconde Guerre mondiale.

Selon Dmitri Orechkine, un politologue qui a participé à la coordination d'observateurs indépendants, les autorités ont besoin «d'inscrire la victoire de manière rapide et visible» afin d'éviter que la contestation des résultats ne prenne plus d'ampleur.

L'influent quotidien russe Vedomosti soulignait que la commission électorale s'était empressée d'annoncer la victoire du maire sortant, après que Vladimir Poutine avait loué la transparence et le bon déroulement des élections.

«Les résultats de la campagne politique la plus éclatante et la plus imprévisible de ces dernières années - les municipales de Moscou - ont été décomptés de manière obscure et quasi secrète», écrit le journal.

Avocat, blogueur et pourfendeur de la corruption aux accents nationalistes, Alexeï Navalny avait pris la tête du mouvement de protestation à l'hiver 2011-2012, déclenché par des fraudes dénoncées lors des élections législatives et de la présidentielle, remportée par Vladimir Poutine.

Sa participation à l'élection à Moscou, même s'il n'a pas eu accès aux grands médias et a dû mener campagne dans la rue et sur l'internet, a changé la donne dans un paysage politique aseptisé et où l'opposition est marginalisée depuis dix ans.

Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, a reconnu qu'il s'agissait de résultats «significatifs», dans une interview au site d'informations en ligne Slon.ru.

Revenant sur la cérémonie d'investiture de M. Sobianine, Alexeï Navalny a publié cette semaine sur son blogue un document attestant qu'un grand institut de recherche affilié à la municipalité avait reçu l'ordre de s'assurer que ses employés se rendraient au concert en l'honneur de M. Sobianine dans le parc jeudi.

La mairie a nié toute mesure de ce type.