Vladimir Poutine et Barack Obama ont eu beau échanger poignée de main et sourires forcés à Saint-Pétersbourg, les deux hommes n'ont pu dissiper l'impression de crispation dominant le sommet du G20.

Juste après 13 h GMT (9 h à Montréal), Barack Obama est descendu de son véhicule blindé noir, qui arborait exceptionnellement le drapeau russe à côté du drapeau américain.

Comme les autres chefs d'État et de gouvernement, il était attendu par le président russe sur le perron du palais Constantin, surplombant le golfe de Finlande à 15 kilomètres au sud-ouest de l'ancienne capitale impériale russe.

Les deux hommes, dont les relations se sont considérablement dégradées ces derniers mois, au point de ressusciter le terme de guerre froide (guerre tiède selon l'expression consacrée par certains), se sont serré la main, souriant face aux caméras et objectifs, et ont échangé quelques mots avant que le président américain ne pénètre rapidement dans le palais du XVIIIe siècle qui abrite jeudi et vendredi le sommet.

Bref, l'échange a surtout semblé d'une cordialité obligée, comparé par exemple aux rires francs échangés lors de leur poignée de main par Angela Merkel et Vladimir Poutine, malgré quelques tensions au cours des derniers passages en Russie de la chancelière allemande.

Rares moments de spontanéité

Quelques minutes avant ces accueils très protocolaires, Mme Merkel avait donné lieu à l'un des rares moments de spontanéité de la journée dans le parc du palais Constantin, placé sous haute sécurité, en rendant une visite impromptue à François Hollande.

La chancelière allemande, visiblement annoncée à la dernière minute et profitant de la défection du président chinois, retenu par une réunion des pays émergents, est arrivée dans sa berline noire dans la cour du petit palais où est logée la délégation française.

Veste orange et d'un pas décidé, Mme Merkel est venue défendre pendant une quinzaine de minutes de tête-à-tête la position allemande sur la Syrie, à savoir le rejet de toute intervention militaire, et la priorité absolue accordée à la voie politique.

Dans la tension ambiante, l'arrivée tardive de Barack Obama et de Dilma Rousseff pour le dîner de travail, dans le cadre imposant d'un autre palais, celui de Peterhof, n'a pas manqué de susciter l'attention.

La majorité des invités, emmenés à pied par M. Poutine sur fond de façades illuminées dans la nuit, est arrivée vers 17 h 20 GMT (13 h 20 heure de Montréal). L'on a pu voir M. Hollande, Mme Merkel et le premier ministre britannique David Cameron converser, la mine grave, alors que les Européens tentent de s'entendre sur la Syrie, qui sera justement le thème abordé pendant le repas.

La présidente brésilienne Dilma Rousseff s'est distinguée en arrivant seule peu après.

Mais surtout, M. Obama a fait son entrée encore plus tard, et également en solitaire, vers 17 h 50 GMT (13 h 50 à Montréal).

Les États-Unis et le Brésil traversent un coup de froid diplomatique après des révélations sur les pratiques d'espionnage américaines de Mme Rousseff dans le cadre du scandale Prism.

Quant à M. Obama et M. Poutine, leurs différends entre les deux chefs d'État ne se limitent pas au conflit syrien et se sont accumulés au fil des mois jusqu'à ce que le président américain finisse par annuler un sommet bilatéral à Moscou quand la Russie a accordé l'asile politique à l'ex-consultant du renseignement américain, Edward Snowden.

Selon le quotidien russe Izvestia, Vladimir Poutine et Barack Obama seront maintenus à distance autour de la table du G20, alors que le protocole, suivant l'alphabet cyrillique, aurait dû les placer à peu de distance.

Rarement les relations russo-américaines n'avaient été aussi mal en point depuis la guerre froide et la chute de l'URSS.

Début août, le président américain a ouvertement reconnu cet état de fait, allant jusqu'à ironiser sur l'attitude de Vladimir Poutine pendant leurs rencontres bilatérales, où selon lui «il ressemble un peu au gamin qui s'ennuie au fond de la classe».

Barack Obama critique régulièrement la loi promulguée en juin par Vladimir Poutine qui condamne à des amendes et dans certains cas à la détention la «propagande» homosexuelle. Il a promis de rencontrer vendredi, après la clôture des débats du G20, des militants des droits des homosexuels à Saint-Pétersbourg, comme l'ont confié des représentants associatifs à l'AFP.

«Il y a des moments où (les Russes) adoptent à nouveau la pensée de la guerre froide, une mentalité de la guerre froide», avait estimé début août le président américain dans le même entretien.

Pas de tête-tête entre Obama et Poutine

Aucun tête-à-tête Poutine-Obama n'est prévu.

Les engrenages d'une escalade ont largement fonctionné depuis mercredi.

Une source militaire russe a affirmé que les navires de guerre russes en Méditerranée étaient «capables de réagir» en cas de «problème».

Un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a affirmé que «la chute d'un projectile militaire sur le mini-réacteur situé dans la banlieue de Damas pourrait avoir des conséquences catastrophiques».

Côté américain, John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, et partisan d'une action militaire en Syrie, a refusé de rencontrer une délégation parlementaire russe, que Moscou souhaite envoyer à Washington.

Risques humanitaires

Pour autant les partisans d'une solution politique ne baissent pas les bras.

Le Vatican a ainsi réuni jeudi matin les ambassadeurs du monde entier accrédités auprès du Saint-Siège pour leur expliquer le refus du pape de toute intervention armée en Syrie. François, qui a appelé à observer samedi une journée de jeûne et de prière contre la guerre, présidera lui-même une veillée de quatre heures place Saint-Pierre.

Des ONG, à l'instar d'OXFAM, ont aussi averti que des frappes aggraveraient la dramatique situation humanitaire en Syrie. «Une intervention militaire, actuellement, n'aiderait pas à résoudre le conflit et risquerait de détériorer la situation humanitaire, a déclaré un porte-parole de l'ONG britannique, Steve Price-Thomas.

Mercredi, plusieurs ministres des pays voisins de la Syrie ont lancé un appel à la communauté internationale pour une aide d'urgence au développement en Syrie, alors que le nombre de réfugiés syriens a atteint les deux millions.

Sur le terrain, la chef des opérations humanitaires des Nations unies Valerie Amos est arrivée jeudi à Damas pour des entretiens avec des responsables syriens.

Les rebelles islamistes se sont emparés cette semaine d'un poste militaire à l'entrée de la ville chrétienne de Maaloula, au nord de Damas, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'homme.