Un ancien dirigeant des Serbes de Bosnie, Momcilo Krajisnik, a été accueilli vendredi soir en héros par plusieurs milliers de ses partisans dans son fief de Pale où il est arrivé après sa remise en liberté, après avoir purgé deux tiers d'une peine de 20 ans de prison pour crimes de guerre.

Souriant, vêtu d'un costume sombre, il a invité ses compatriotes à entamer un processus de réconciliation avec leurs anciens ennemis musulmans et croates de la guerre intercommunautaire (1992-95).

«Nous ne devons pas porter la haine dans nos âmes. Seuls les vaincus ressentent de la haine et le désir de vengeance», a-t-il lancé à la foule.

Cette cérémonie d'accueil a été organisée à Pale, fief des Serbes de Bosnie pendant la guerre, près de Sarajevo.

«Tendons la main à tous ceux qui souhaitent la réconciliation. Nous devons tous pardonner ceux qui nous ont fait du mal et prier ceux à qui nous avons fait du mal de nous pardonner», a ajouté M. Krajisnik, 68 ans.

Momcilo Krajisnik avait été arrêté en avril 2000 à Pale lors d'une opération des forces internationales, sous le coup d'une inculpation secrète du TPIY.

Dans le procès de première instance, qui se déroulait devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), il avait été condamné à 27 ans de prison et acquitté de génocide.

Cette sentence a été réduite à 20 ans en appel, en mars 2009, et M. Krajisnik a été finalement reconnu coupable «d'expulsion, transfert forcé et persécution de civils non serbes de Bosnie».

Selon le Parquet du TPIY, Momcilo Krajisnik était le bras droit du chef politique des Serbes de Bosnie pendant le guerre, Radovan Karadzic, qui est actuellement jugé notamment pour génocide devant la même cour internationale.

Krajisnik et Karadzic formaient le «noyau dur du leadership serbe» ayant planifié le nettoyage ethnique durant la guerre en Bosnie qui a fait quelque 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés, selon l'accusation.

«Momcilo Krajisnik est un homme honnête, un grand homme politique. Sa place n'était pas à la Haye (siège du TPIY). Il aurait dû être ici, avec son peuple serbe. Il ne pouvait pas être un criminel de guerre», affirme Radovan Vukovic, 52 ans, un des participants à la cérémonie.

«Stop à la terreur de la Haye» ou encore «Momcilo, le fils du peuple serbe», pouvait-on lire sur des pancartes.

«C'est un vrai Serbe et il a été condamné par erreur. C'est un homme bien et je suis très heureuse qu'il soit rentré», dit Bilja Gajovic, 63 ans.

Des associations de victimes se sont dites «blessées» par cette cérémonie d'accueil d'un «criminel de guerre».

«Ils mettent le doigt dans l'oeil des victimes qui ont survécu à des tortures terribles d'un régime dont Krajisnik était un des dirigeants», a déclaré Jasmin Meskovic, président de l'Union d'anciens prisonniers de guerre de Bosnie.

«Je ne sais pas pourquoi une cérémonie a été organisée. Je suis tout de même un criminel de guerre. Et je dois prouver la vérité dans le cadre d'une révision de mon dossier» devant la justice, a déclaré M. Krajisnik lui-même, sans davantage de détails sur ses intentions quant à un éventuel recours à la justice.

La libération anticipée de M. Krajisnik a été ordonnée le 2 juillet par le président du TPIY, Theodor Meron. Selon les règles du TPIY, des prisonniers de cette cour peuvent bénéficier d'une libération anticipée après avoir purgé les deux tiers de leur peine.

Après avoir été condamné en appel, M. Krajisnik avait été transféré en septembre 2009 dans une prison au Royaume-Uni pour purger le reste de sa peine.