Un navire de guerre britannique est arrivé lundi au port de Gibraltar dans le cadre d'exercices militaires prévus de longue date. Ils coïncident cependant avec de vives tensions agitant les relations entre Londres et Madrid.

Brandissant des drapeaux britanniques, une poignée de curieux observaient depuis la rive, à Gibraltar, l'arrivée au port de l'imposante frégate, accompagnée de deux autres bateaux.

«C'est une manoeuvre de routine, mais elle n'aurait pas pu tomber à un meilleur moment», se réjouissait un habitant de Gibraltar, Tony Evans.

Prévue depuis un moment, l'arrivée du navire de guerre HMS Westminster était néanmoins très attendue, car elle survient après plusieurs semaines de tensions diplomatiques entre l'Espagne et la Grande-Bretagne, déclenchées par la décision prise par l'enclave fin juillet de couler 70 blocs de béton pour construire un récif.

Durement frappés par la crise économique, les pêcheurs espagnols de la zone accusent Gibraltar, qui n'a pas de flotte de pêche commerciale, de les priver d'accès avec ce récif à l'un de leurs meilleurs viviers.

L'enclave s'en défend, affirmant que les blocs permettront aux bancs de poissons de se régénérer. Elle refuse catégoriquement de les retirer, comme le lui réclament les pêcheurs.

HMS Westminster était partie le 13 août d'Angleterre pour participer - avec neuf autres vaisseaux britanniques - dont quatre bâtiments de guerre - à des manoeuvres militaires en Méditerranée et dans le Golfe baptisées «Cougar'13».

L'Espagne comme la Grande-Bretagne ont rappelé à plusieurs reprises que l'arrivée des navires n'était pas liée à leur dispute autour du récif artificiel.

Dans la cadre des mêmes exercices, le porte-hélicoptères britannique HMS Illustrious s'est arrêté dimanche pour une escale technique dans la base militaire de Rota, dans le sud de l'Espagne, avec l'accord des autorités du pays.

Le même jour, des dizaines de bateaux de pêcheurs espagnols se sont rassemblés, sous forte escorte policière, face à Gibraltar pour protester contre le récif.

Des contrôles à la frontière «disproportionnés»

Plus d'une dizaine de navires de la police de Gibraltar et des autorités britanniques a empêché la flotte de pêcheurs de se concentrer aux abords immédiats des blocs de béton. À l'exception d'échanges d'insultes, la manifestation s'est toutefois déroulée sans incident.

Les pêcheurs de la ville de la Linea de la Concepcion, à la frontière avec Gibraltar, et du port proche d'Algeciras se disent très affectés par le récif qui les empêche de pêcher là où ils ont «toujours pêché».

Gibraltar affirme en revanche que la zone «n'était (auparavant) fréquentée que par un bateau» espagnol.

Cédé en 1713 à la Grande-Bretagne, Gibraltar, un territoire de sept kilomètres carrés peuplé de 30 000 habitants situé dans le sud de la péninsule ibérique, est au centre de tensions récurrentes entre Londres et Madrid, qui en revendique la souveraineté.

Gibraltar a accusé Madrid d'avoir multiplié les contrôles à la frontière après l'annonce de la construction du récif, ce qui a provoqué de longues files d'attente.

Le gouvernement espagnol affirme qu'ils sont obligatoires puisque Gibraltar, comme le Royaume-Uni, n'est pas membre de l'espace Schengen, et nécessaires pour lutter contre la contrebande, notamment de tabac.

Jugeant au contraire que ces contrôles étaient «politiquement motivés» et «disproportionnés», le premier ministre britannique David Cameron a demandé vendredi à la Commission européenne qu'elle envoie «d'urgence» une équipe d'observateurs à la frontière.

Le président de la Commission, José Manuel Barroso, devait s'entretenir lundi par téléphone avec le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

«Nous souhaitons que la circulation entre les deux zones soit la plus fluide possible», a déclaré lundi son porte-parole, Olivier Bailly.

Lundi matin, les queues avaient disparu à la frontière, selon la police de Gibraltar.