Alexeï Navalny, opposant numéro un au président russe Vladimir Poutine, a été accusé lundi de recevoir des financements étrangers pour sa campagne à l'élection du maire de Moscou, de nouvelles allégations qui témoignent selon lui de la crainte des autorités.

«Lors des vérifications, il a été confirmé que des financements étrangers ont été obtenus pour la campagne d'Alexeï Navalny», a écrit le parquet russe dans un communiqué.

Selon le parquet, plus de 300 personnes physiques et juridiques étrangères, ainsi que des donateurs anonymes issus de 46 pays (dont les États-Unis, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Suisse et le Canada) ont donné de l'argent à M. Navalny et des membres de son équipe via un système de paiement sur internet.

La législation russe interdit aux candidats à une élection de recevoir des financements étrangers pour mener campagne.

Le parquet a envoyé les documents au ministère de l'Intérieur pour qu'il décide s'il est nécessaire d'ouvrir une enquête.

L'opposant a immédiatement réfuté ces accusations.

«Le parquet a littéralement tout inventé», a-t-il écrit sur son blogue. «Notre campagne est la plus transparente du point de vue des financements», a-t-il souligné.

Interrogée par la radio Echo de Moscou, une porte-parole du service de paiement en ligne impliqué, Yandex-Dengui, a indiqué que le parquet ne s'était d'ailleurs pas adressé à sa direction.

L'opposant, qui risque déjà cinq ans de prison dans une affaire de malversation qu'il dénonce, avoue néanmoins ne pas être étonné de ces nouvelles allégations.

«Il y a deux jours, on se disait au QG de campagne: comment va-t-on nous dénigrer à la télévision alors que la hausse dans les sondages est évidente et que le cauchemar de la mairie et du Kremlin -- un second tour -- pourrait se réaliser?», a-t-il relevé.

L'ex-vice-premier ministre et opposant Boris Nemtsov, du parti RPR-Parnas que représente M. Navalny aux municipales, a lui aussi dénoncé ces accusations.

«La cote de popularité (de M. Navalny, ndlr) augmente. C'est pourquoi on a décidé de le discréditer, en jouant la carte de l'espion américain. (...) Il est évident que ces accusations sont absurdes», a-t-il déclaré à la radio Echo de Moscou.

Le député ultra-nationaliste, Vladimir Jirinovski, qui avait demandé au parquet de mener les vérifications des comptes de campagne de M. Navalny, s'est, lui, réjoui de la nouvelle.

«IL faut que l'affaire passe immédiatement devant les tribunaux, qu'il y ait une décision de justice, qu'il soit retiré de la course pour les élections et envoyé en camp. Comme (Mikhaïl) Khodorkovski», a lancé le député, dont le parti a un candidat en lice pour la mairie, faisant référence à l'ex-patron du pétrolier Ioukos et contradicteur du Kremlin, emprisonné depuis 2003.

Selon un sondage du centre indépendant Levada diffusé mi-juillet, M. Navalny n'est crédité que de 8% des voix, loin derrière l'actuel maire, Sergueï Sobianine, du parti au pouvoir, qui obtiendrait plus de 70% des suffrages.

Mais ces dernières semaines, l'opposant et son équipe ont multiplié les actions, notamment les réunions à la rencontre des électeurs dans la rue, afin d'inverser cette tendance.

Lundi soir, des débats entre candidats sont également prévus à la télévision russe. L'actuel maire a refusé d'y participer.

Selon la commission électorale de Moscou, Alexeï Navalny, 37 ans, s'est fait connaître en dénonçant sur son blogue et les réseaux sociaux des scandales de corruption au sein des puissantes entreprises publiques.

Devenu opposant numéro un de Vladimir Poutine lors des manifestations de 2011-2012, M. Navalny a été condamné le 18 juillet à 5 ans de prison pour le détournement de fonds, qu'il conteste, d'une exploitation forestière publique.

Il a cependant, contre toute attente, été remis en liberté le lendemain jusqu'à l'examen de son pourvoi en appel.

Ses démêlés judiciaires ne s'arrêtent pas à cette affaire. Il est accusé dans plusieurs autres dossiers d'escroquerie et de détournement présumés.

Le terme «d'agent de l'étranger», qui était appliqué aux opposants réels ou supposés à l'époque stalinienne, est de plus en plus employé par les autorités russes actuelles. L'année dernière, une loi obligeant les ONG bénéficiant d'un financement étranger et ayant «une activité politique» à s'inscrire sur un registre d'«agents de l'étranger» a été adoptée.