La situation politique a pris une nouvelle tournure, hier, en Turquie avec la fin du procès Ergenekon. Plus de 275 militaires et de nombreux civils étaient accusés d'avoir ourdi un coup d'État contre le gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Les principaux accusés ont été reconnus coupables. L'ancien chef d'état-major Ilker Basburg a été condamné à la prison à vie. L'opposition, elle, a dénoncé le «procès politique». Explications.

Ergenekon

Le réseau Ergenekon a été découvert en 2007 au cours d'une opération antiterroriste à Istanbul. L'enquête avait permis de mettre au jour un réseau dirigé par des militaires et des intellectuels qui souhaitaient renverser le gouvernement. Mais l'étendue du réseau reste à démontrer. Le verdict tombé hier confirme néanmoins la thèse du coup d'État. Malgré les hauts cris de l'opposition en Turquie, Jabeur Fathally, professeur de droit civil à l'Université d'Ottawa, s'attendait à ce que les peines soient lourdes. «Je ne suis pas surpris. Une accusation de tentative de coup d'État, c'est l'un des crimes les plus graves dans le système pénal turc.»

Erdogan

Le procès, qui dure depuis cinq ans, est en quelque sorte un symbole de la lutte entre les élites militaires et laïques d'un côté et le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan de l'autre. Plusieurs n'ont pas manqué d'accuser le premier ministre turc d'avoir profité du procès pour régler ses comptes avec ses opposants. «Je ne peux pas exclure une certaine connotation politique au procès. Mais il faut le mettre dans son contexte, précise Jabeur Fathally. Le premier ministre Erdogan avait certainement les militaires dans sa visée, mais ce groupe existe bel et bien et avait l'intention de renverser le gouvernement. Ce n'est pas une invention. Mais c'était aussi un pain bénit pour Erdogan dans le contexte.»

Contestation

Si les experts s'entendent pour reconnaître l'existence du réseau Ergenekon, certaines accusations battaient néanmoins de l'aile. Le procès a été critiqué notamment parce que des universitaires et des journalistes ont été accusés d'avoir participé au complot, alors que les preuves semblaient insuffisantes. Le professeur Fathally admet qu'il a pu y avoir des faux témoignages au cours du procès. «On a pu faire de la politique, alourdir le dossier, je ne l'exclus pas.» Des groupes civils risquent maintenant de récupérer cette histoire pour intensifier leur opposition au gouvernement.

Égypte

La situation en Turquie est à l'inverse de celle qui prévaut actuellement en Égypte, où les militaires ont profité d'une immense grogne populaire pour "renverser" le président élu Mohamed Morsi. «En Égypte, les militaires ont aussi utilisé l'incompétence de Morsi, qui est d'une incompétence flagrante, signale Jabeur Fathally. Les choses ne sont pas les mêmes en Turquie. D'abord, Recep Tayyip Erdogan vient d'éjecter à mon avis les militaires de l'espace politique en Turquie. Et il y a un boom économique en Turquie.Sur le plan économique, la situation n'est pas comparable à l'Égypte.»