L'opposition sociale-démocrate a remporté les élections législatives anticipées organisées dimanche en République turque de Chypre Nord (RTCN), mais devra probablement partager le pouvoir dans un gouvernement de coalition.

Le Parti turc républicain (CTP, gauche) s'est imposé avec 38,49% des voix, suivi par le Parti de l'unité nationale (UBP, nationaliste), au pouvoir, avec 27,16% des voix, et le Parti démocrate (DP, libéral, 23,10%), selon les résultats complets provisoires des 670 bureaux de vote.

Une quatrième formation a franchi le seuil électoral de 5%, le Parti de la démocratie communale (TDP, gauche), avec 7,41% des voix.

Quelque 173 000 inscrits étaient appelés à voter pour élire 50 députés dans ce petit territoire de l'est de la Méditerranée, reconnu uniquement par la Turquie voisine. La participation a atteint 70%.

Une victoire du CTP était attendue face à son principal adversaire l'UBP, dont la popularité a été minée par le marasme économique et des restrictions budgétaires impopulaires.

Le parti social-démocrate a remporté 21 sièges sur 50, se plaçant dans une situation majorité relative qui devrait le pousser à rechercher un partenaire pour une coalition gouvernementale.

«Notre peuple nous a confié la mission de constituer un gouvernement. Nous allons évaluer la situation dans les prochains jours», a déclaré son président, Özkan Yorgancioglu, lors d'une conférence de presse.

Habituel troisième homme de la vie politique chypriote-turque, le DP (12 sièges) a déjà participé à plusieurs gouvernements de coalition. Mais un attelage comprenant l'UBP (14 sièges) n'était pas à exclure non plus.

Issu de l'UBP, le président Dervis Eroglu, dont le quinquennat s'achève en 2015, semblait dimanche l'appeler de ses voeux.

«Il faut absolument qu'il y ait un dialogue entre les partis. Je pense que ces élections anticipées sont l'occasion d'entamer un tel dialogue dès l'issue du scrutin», a affirmé M. Eroglu à la presse au moment de voter.

Ces élections anticipées ont été convoquées un an avant le terme normal de la législature après la défection de huit députés de l'UBP, passés au DP, et le vote d'une motion de défiance qui a provoqué en juin la chute du gouvernement.

Les difficultés économiques ont dicté les thèmes de la campagne électorale, centrée sur les conséquences du plan d'austérité signé en 2010 avec la Turquie en échange du maintien de ses subventions à la RTCN: augmentation des impôts, limitation des embauches et gel des salaires dans le secteur public, projets de privatisations.

La Turquie fournit chaque année plusieurs centaines de millions d'euros d'aide à la RTCN, soumise à un embargo international.

Elles ont aussi occulté le débat récurrent sur la réunification de l'île et les poussives négociations menées à cet effet avec les Chypriotes-grecs.

Nationaliste et fidèle défenseur des liens privilégiés entre la RTCN et la Turquie, le président Eroglu est souvent perçu comme un obstacle à une avancée des pourparlers de paix.

Une cohabitation avec le CTP, qui avait milité en 2004 en faveur d'un plan onusien pour la réunification de l'île (abandonné après son rejet par les Chypriotes-grecs), pourrait le contraindre à une attitude plus conciliante, selon les observateurs.

Mais les négociations sont proches du point mort et seront difficiles à ranimer à court terme.

Les pourparlers, déjà poussifs, ont été suspendus en juillet 2012 par la partie chypriote-turque, qui voulait protester contre le fait que la partie chypriote-grecque assure la présidence tournante de l'Union européenne.

Élu en février, le nouveau président chypriote-grec Nicos Anastasiades a rencontré M. Eroglu début juin.

Les Chypriotes-turcs se disent désormais prêts à reprendre les négociations. Mais les Chypriotes-grecs, soucieux de ne pas se laisser acculer à des compromis, veulent auparavant remettre sur les rails leur économie, durement ébranlée par les conditions draconiennes d'un plan de sauvetage financier controversé.

Les deux parties évoquent une reprise des pourparlers en octobre.

L'île de Chypre est coupée en deux depuis l'invasion turque de 1974, et l'occupation turque d'un tiers Nord, à la suite d'un coup d'État fomenté par des nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient la rattacher à la Grèce.