Face à la pression qui montait depuis que son nom est apparu dans un scandale de corruption présumée, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a finalement cédé et annoncé lundi qu'il s'expliquerait dans les jours à venir au Parlement.

«Je me présenterai devant le Parlement pour donner toutes les explications» sur la situation du pays, à la fin du mois de juillet ou au début août, a déclaré Mariano Rajoy, répondant à la presse à l'issue d'une rencontre avec son homologue roumain, Victor Ponta.

L'opposition, menée par le Parti socialiste, réclame avec insistance que le premier ministre conservateur fournisse des explications depuis que son nom est apparu en janvier dans une liste de dirigeants du Parti populaire, qu'il préside depuis 2004, soupçonnés d'avoir touché des sommes non déclarées versées par l'ex-trésorier du parti, Luis Barcenas.

Elle a menacé, s'il persistait dans son silence, de présenter une motion de censure, qui aurait peu de chances d'aboutir, compte tenu de la large majorité parlementaire dont dispose Mariano Rajoy, mais serait potentiellement désastreuse en termes d'image.

Car jamais, depuis que le scandale a éclaté, le chef du gouvernement n'a donné d'explications publiques au pays.

En février, il avait nié avoir touché de l'argent au noir, dans un discours devant des responsables de son parti. Lundi dernier il avait affirmé, déjà lors d'une conférence de presse protocolaire, qu'il ne démissionnerait pas comme le réclame aussi l'opposition.

Mais face aux soupçons qui s'installent, au mécontentement d'une partie de l'opinion publique et aux pressions politiques, la stratégie semble avoir changé.

«Je souhaite raconter ce qui s'est passé et donner ma version, ce dont je crois que l'ensemble des citoyens a besoin», a répondu lundi Mariano Rajoy, interrogé sur l'attitude qu'il compte tenir face au scandale.

Ces explications porteront «sur la situation économique que vit le pays, avec les nouveaux chiffres que nous connaîtrons à cette date, mais aussi sur la situation politique, et je parlerai du sujet qui vous intéresse», a-t-il ajouté. «Je crois que le moment est venu d'expliquer au Parlement quelle est la situation et le bilan de ce que nous avons fait ces derniers temps».

Mariano Rajoy, en s'expliquant bien au-delà de la seule «affaire Barcenas», espère pouvoir se prévaloir du même coup de chiffres économiques moins pessimistes que ces derniers mois.

Le gouvernement prédit en effet une amélioration sur le front de l'emploi, alors que les chiffres pour le deuxième trimestre sont attendus jeudi, et une sortie prochaine de la récession dans laquelle l'Espagne est plongée depuis 2011.

Car dans un contexte de profonde crise économique et de chômage à plus de 27%, «l'affaire Barcenas» a porté un coup à la crédibilité du gouvernement, en place depuis décembre 2011.

Dans ce contexte, les révélations visant Mariano Rajoy en personne se sont accumulées dangereusement ces derniers jours. Le 9 juillet, le quotidien de centre-droit El Mundo, l'un des deux journaux à avoir révélé l'affaire, publiait de nouveaux documents comptables compromettants pour le chef du gouvernement.

Le 14, le même journal publiait le contenu de plusieurs échanges de SMS attribués à Mariano Rajoy et Luis Barcenas, longtemps très proches, montrant, d'après le quotidien, que le premier ministre «a maintenu un contact direct et permanent» avec Luis Barcenas au moins jusqu'en mars 2013, alors que le scandale avait éclaté depuis deux mois déjà.

Le 15 juillet enfin, Luis Barcenas, en prison depuis le 27 juin dans le cadre d'un autre scandale de corruption touchant la droite espagnole, était entendu par le juge Pablo Ruz, qui enquête sur ces deux dossiers. Il confirmait l'existence d'une comptabilité parallèle et citait Mariano Rajoy parmi ses bénéficiaires, selon des sources présentes à l'audition.

Selon le calcul effectué par El Mundo, c'est une somme totale de «343 700 euros» que Luis Barcenas, ex-intendant du Parti populaire de 1990 à 2008 puis trésorier jusqu'en 2009, aurait destinée à Mariano Rajoy durant une vingtaine d'années.