Après le licenciement express des salariés de la radiotélévision publique grecque, des centaines d'enseignants de lycées professionnels ont appris la semaine dernière leur «mise en disponibilité» immédiate et, choqués, s'interrogent sur leur avenir.

Anna Stavrakaki, directrice adjointe du lycée professionnel (EPAL) de Nea Philadelphia, dans le nord d'Athènes, n'a pas de mots assez forts pour dire «l'absurde et l'inacceptable». Cette croisée de l'enseignement professionnel, comme elle se définit, pensait faire une rentrée normale en septembre dans l'établissement où elle est en poste depuis 25 ans.

C'était avant l'annonce sans préavis par le gouvernement, en début de semaine dernière, de la suppression d'une cinquantaine de spécialités des lycées professionnels publics, aboutissant à la mise en disponibilité forcée de quelque 2500 enseignants. Principale discipline démantelée: la branche «santé et soins» (aide-soignant, sage-femme, technicien dentaire...).

Pas de chance, c'est celle d'Anna Stavrakaki, mais aussi une de celle «les plus fréquentées par les élèves», s'émeut cette quinquagénaire. Électroniciens, graphistes, laborantins, coiffeurs, menuisiers sont également rayés de la carte de formation.

Entre autres mesures, le gouvernement grec s'est engagé auprès de ses bailleurs de fonds, en échange du déblocage d'une nouvelle tranche d'aide, à mettre en disponibilité 12 500 fonctionnaires dont 4000 d'ici fin juillet: durant huit mois les agents concernés devraient toucher 75% de leur salaire avant d'accepter une mutation ou d'être licenciés. Anna Stavrakaki sait que sa disponibilité prend effet lundi et qu'elle touchera désormais 350 euros par mois. Mais elle n'est sûre de rien: «nous n'avons reçu personnellement aucun document officiel, aucune information, rien ! Juste une liste avec nos noms sur internet, du jour au lendemain».

Vendredi, le ministère de l'Éducation a mis en ligne un appel à tous les enseignants susceptibles d'échapper au couperet -selon des critères de diplôme, santé ou situation familiale- à se signaler dans les ... trois jours. «C'est inadmissible, on vit dans le doute et dans l'angoisse, on ne sait rien», fulmine Vicky Samaras, enseignante sage-femme de 48 ans, qui a juste la certitude de quitter bientôt l'équipe pédagogique de l'EPAL de Mytilène, une île du nord-est de la mer Égée.

Elle s'indigne, à l'instar de nombreux commentateurs, que la procédure de disponibilité ait été engagée par le gouvernement, alors même que le projet de loi l'autorisant ne sera soumis au vote du parlement que mercredi. «Si le ministère me propose demain d'aller travailler dans un hôpital, pourquoi pas, mais où y-aura-t-il un poste ? Pour l'instant, je n'ai reçu aucune proposition», déplore Vicky.

Anna Stavrakaki ne se fait aucune illusion: «à 55 ans, on me dira qu'il n'y a aucun poste pour moi et merci, au revoir, licenciée». Le ministre de l'Éducation nationale, Constantinos Arvanitopoulos, a tenté de rassurer les élèves en cours de formation dans les sections supprimées, leur affirmant que des enseignants mis en réserve, «payés à l'heure», dispenseraient des cours l'an prochain. Il a également justifié la restructuration des lycées professionnels en expliquant que les spécialités supprimées étaient redondantes avec celles offertes par une autre catégorie d'établissements du second degré, les IEK.

«Mais les IEK sont moins nombreux et, pour certains, privés et payants», fait valoir Damianos Rorris, enseignant en ingenierie automobile. Il craint aussi que de nombreux EPAL, une fois saignés d'une part importante de leurs élèves, soient contraints de fermer. «Ces établissements accueillent des élèves d'origine modeste. On leur enfonce un peu plus la tête» dans un pays où le chômage des jeunes atteint plus de 60%, constate-t-il.

Lundi, Anna Stavrakaki a accueilli dans son futur ex-lycée une enseignante qui venait d'apprendre sa titularisation après des années de vacation. Elle a appris par la même occasion sa mise en disponibilité.