Le scandale de corruption éclaboussant le Parti populaire au pouvoir en Espagne a rebondi dimanche avec la publication dans la presse de conversations présumées prouvant, selon les socialistes, la «connivence» existant entre le chef du gouvernement Mariano Rajoy, dont ils ont exigé la démission, et l'ex-trésorier de son parti, en prison.

Le Parti populaire a aussitôt rejeté cette demande formulée par les socialistes à la suite de la publication dans le journal El Mundo de conversations présumées par SMS, entre Mariano Rajoy et Luis Barcenas, l'ancien trésorier du PP au coeur d'un scandale sur le possible financement occulte de cette formation.

Les messages, dont le PP a reconnu implicitement l'existence dimanche, datent de mai 2011 à mars 2013 et montrent, selon le journal de centre droit, que «Mariano Rajoy a maintenu un contact direct et permanent» avec Luis Barcenas, «et lui a demandé qu'il nie l'existence de la comptabilité occulte et les compléments de salaires».

Les révélations à répétition dans les médias sur cette affaire et d'autres cas de corruption provoquent l'indignation dans un pays plongé dans la crise et frappé par un chômage record.

«Face à la situation politique insoutenable que traverse l'Espagne, le Parti socialiste se voit obligé d'exiger la démission immédiate du chef du gouvernement Mariano Rajoy», a déclaré le chef des socialistes, Alfredo Perez Rubalcaba au cours d'une conférence de presse à Madrid, ajoutant que son parti rompait en conséquence «toutes les relations» avec le PP.

Le parti conservateur, qui dispose de la majorité absolue au Congrès des députés depuis les élections de novembre 2011, a jugé «lamentable» cette demande.

«Il est lamentable que Rubalcaba, dans son désespoir, demande des démissions à cause des mensonges d'un délinquant présumé», a déclaré Carlos Floriano, vice-secrétaire du PP.

«Les SMS publiés sont la preuve matérielle d'une tentative de chantage privé dont Barcenas n'a rien obtenu», a-t-il ajouté. «C'est pour cela qu'il se trouve aujourd'hui en détention provisoire: parce qu'il est soupçonné de certains délits et que personne ne l'a protégé».

El Mundo publiait dimanche les images d'un écran de téléphone portable où l'on peut lire plusieurs échanges de SMS attribués à Mariano Rajoy et à Luis Barcenas, en détention provisoire depuis le 27 juin pour son implication présumée dans une vaste affaire de corruption, baptisée «Gürtel», qui empoisonne la droite depuis 2009.

Luis Barcenas est également au centre d'une autre enquête, ouverte fin janvier, sur la possible existence d'une comptabilité occulte au sein du PP, dont auraient profité, selon les médias espagnols, plusieurs de ses hauts responsables, dont Mariano Rajoy. Ce dernier avait catégoriquement démenti en février avoir reçu des sommes illégales.

Les socialistes avaient à l'époque déjà exigé sa démission.

«Depuis, le comportement de Monsieur Rajoy face à cette affaire peut se résumer très simplement: aucune explication, des mensonges et d'après ce que nous apprenons aujourd'hui, de la connivence, une grave connivence», a lancé dimanche Alfredo Perez Rubalcaba.

«Luis, je comprends, sois fort. Je t'appelle demain. Je t'embrasse», dit l'un des messages attribués à Mariano Rajoy et daté du 18 janvier, soit le jour où El Mundo avait fait éclater le scandale en révélant que des dirigeants du PP avaient reçu pendant vingt ans des salaires non déclarés provenant d'entreprises privées.

Le 14 mars, Luis Barcenas, en colère, affirmait à Mariano Rajoy se sentir «libéré de tout engagement envers toi et envers le parti», selon El Mundo qui avance que c'est alors que l'ex-trésorier a décidé de parler à la presse «pour révéler la véritable comptabilité» du parti.

Estimant fin mars qu'un lien existait entre l'enquête sur une présumée comptabilité occulte et «l'affaire Gürtel», la justice avait confié les deux dossiers au juge de l'Audience nationale de Madrid, Pablo Ruz, qui a de nouveau convoqué Luis Barcenas pour lundi matin.