Après le conflit François Fillon-Jean-François Copé, ennemis jurés pour la présidentielle de 2017, le premier parti d'opposition en France, l'UMP, connait une nouvelle guerre larvée entre le même Fillon et l'ex-président Nicolas Sarkozy.

«L'UMP ne peut vivre congelée, au garde-à-vous, dans l'attente d'un homme providentiel», a déclaré jeudi soir dans un discours François Fillon, s'émancipant clairement de son ancien mentor, vu par certains comme le seul recours possible pour battre le socialiste François Hollande lors du prochain scrutin présidentiel.

Au bord de l'implosion à l'automne en raison d'un duel fratricide entre Fillon et Copé pour la présidence du parti - le premier dénonçant des fraudes lors d'une élection interne remportée par le second -, l'UMP est aujourd'hui à genoux financièrement après le rejet par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne présidentielle de 2012 de Nicolas Sarkozy. Déjà dans le rouge, le parti doit trouver rapidement quelque 11 millions d'euros (près de 15 millions de dollars) et a lancé cette semaine une souscription nationale pour remplir ses caisses.

Lundi, l'ancien chef de l'État, 58 ans, est remonté sur la scène politique lors d'une réunion de son parti pour certes afficher sa solidarité avec lui, mais aussi pour longuement dénoncer les orientations prises par la France et s'imposer de facto comme «LA» principale personnalité à droite capable de vaincre François Hollande.

Sans toutefois le dire clairement. «Ce n'est pas le moment de ma rentrée politique. Parce que le jour où je voudrai, je vous préviendrai», a-t-il dit. Avant de lancer quelques piques et leçons de conduite à François Fillon, 59 ans, peu appréciées par ce dernier selon les confidences rapportées par son entourage à plusieurs médias français.

«Comment un animal politique comme Nicolas Sarkozy, s'il veut revenir en politique, peut, pour sa seule occasion de discours devant une assemblée politique depuis sa défaite, se présenter en distributeur de leçons et de claques?», s'était interrogé au lendemain de cette prestation le député Jérôme Chartier, proche de François Fillon.

Ce dernier a enfoncé le clou jeudi soir. «Je ne lie pas l'avenir de l'UMP à un homme». «Chacun a le droit de vouloir servir son pays et chacun aura le droit d'être candidat aux primaires (en 2016), mais personne ne peut dire "circulez! il n'y a rien à voir, le recours c'est moi!"», a encore ajouté François Fillon, candidat déclaré depuis mai à cette future consultation qu'organisera l'UMP.

«La dégelée»

«Rester sur son piédestal en attendant que la gauche s'effondre et en espérant être plébiscité par les Français: ça, c'est l'assurance d'échouer», a insisté l'ex-premier ministre qui enchaîne pour sa part depuis plusieurs mois les déplacements en province, «militant parmi les militants».

François Fillon a enfin appuyé sur un point sensible en affirmant que «la multiplication des affaires pourrit l'atmosphère». Nicolas Sarkozy est de plus en plus cerné par une multitude d'affaires judiciaires qui impliquent plusieurs de ses proches.

«Contre-attaque», «défi», «retour de bâton», «la dégelée de Fillon contre Sarkozy»... la presse nationale française multipliait vendredi les qualificatifs pour illustrer la guerre désormais déclarée de l'ancien duo qui a gouverné la France pendant cinq ans entre 2007 et 2012.

Lundi, Nicolas Sarkozy avait appelé sa famille à éviter les divisions. Le nouveau psychodrame qui secoue sa formation et fait probablement les affaires de la coalition socialo-écologiste au pouvoir, ne va pas dans ce sens, comme l'ont regretté vendredi certains membres influents de l'UMP.

Cette nouvelle guerre des chefs est «bien décalée» au regard des «préoccupations» des Français, a déploré Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris en 2014.

La première primaire qu'organisera l'UMP en 2016 pour choisir son candidat à la présidentielle de 2017 est «une chance énorme», car ce sera le «juge de paix», a aussi estimé l'ancienne ministre et porte-parole de Nicolas Sarkozy.