Nervosité des partisans de Silvio Berlusconi face à ses déboires judiciaires, mauvais signaux en provenance du FMI et de l'agence de notation Standard and Poor's: deux mois après sa formation, le gouvernement italien de coalition gauche-droite mené par Enrico Letta est sous pression.

Mercredi matin, députés et sénateurs  du PDL, le parti du Cavaliere, ont décidé de boycotter pendant une journée les travaux du Parlement.

Objet de leur ire: la convocation surprise d'une audience de la Cour de Cassation en plein été, le 30 juillet, pour statuer sur une condamnation du magnat des médias pour fraude fiscale dans l'affaire Mediaset.

Le 8 mai, le Cavaliere avait été condamné à quatre ans de prison, dont trois amnistiés, et à une interdiction d'exercer tout mandat public pendant cinq ans. S'il ne court aucun risque de se retrouver derrière les barreaux, notamment en raison de son âge, 76 ans, il redoute de se voir privé de son mandat de sénateur.

Chacun tablait sur une audience de la Cour de Cassation en fin d'année. Mais la plus haute juridiction pénale a indiqué avoir avancé l'audience afin d'éviter la prescription d'une partie des accusations contre le Cavaliere.

«Une précipitation totalement injustifiée», a tonné l'un de ses avocats, Franco Coppi, tandis que ses partisans dénonçaient «une justice sommaire», allant jusqu'à réclamer un retour aux urnes face à un «complot politico-judiciaire».

Mais le ministre des Transports Maurizio Lupi, également membre du parti de Berlusconi, s'est montré plus rassurant, affirmant: «Nous continuerons à faire notre travail».

Le président de la Cour de cassation, Giorgio Santacroce, s'est défendu de toute «précipitation». «Le sénateur Berlusconi est traité comme n'importe quel accusé», a-t-il dit.

De leur côté, les élus du Mouvement cinq étoiles ont manifesté devant le Parlement contre un climat politique déliquescent.

Leur chef, l'ex-comique Beppe Grillo, a demandé au président Giorgio Napolitano, d'appeler à de nouvelles élections «si nécessaire» ajoutant : «Nous avons besoin de changement pour sauver ce pays».

Sans se départir de son apparente placidité, Enrico Letta répète que cet épisode ne «met pas en péril la stabilité du gouvernement». Il a appelé à «l'esprit d'équipe» et «la cohésion» pour surmonter la crise économique.

Il a affiché la même sérénité après la dégradation de la note de BBB+ à BBB, pour la troisième économie de la zone euro, par l'agence de notation Standard and Poors (S&P), ramenant l'Italie au niveau de... la Bulgarie. L'agence se base sur des prévisions de croissance en berne -- moins 1,9% du PIB en 2013, selon elle et -1,8% selon le FMI -- et craint que Rome ne tienne pas ses engagements budgétaires.

Enrico Letta a reconnu que la péninsule était toujours «sous surveillance spéciale» mais n'a pas voulu dramatiser. Pris en tenailles entre ses engagements de rigueur envers l'Europe et les promesses de baisses d'impôts du parti de Silvio Berlusconi, il a même confirmé la suspension de la taxe immobilière sur la résidence principale, un point non négociable pour le Cavaliere.

Pour l'analyste Christian Schulz de la banque Berenberg, cette dégradation montre que les élections législatives de février et l'impasse politique qui a suivi «ont affaibli la discipline fiscale». Il cite le report d'une hausse prévue de la TVA et «des programmes d'investissement modestes».

Mais l'avertissement de S&P peut aussi aider le premier ministre à «restaurer le sens du réalisme et de l'urgence», souligne-t-il.

Les analystes d'Unicredit, plus grande banque italienne, estiment que la dégradation de la note devrait avoir «un impact très limité» sur les taux d'intérêt. L'Italie se trouve, selon eux, en position «très favorable» sur le marché de la dette, le Trésor italien ayant déjà atteint 66% de ses emprunts à moyen et long terme cette année.

Signes modestes mais encourageants mercredi, la production industrielle est repartie à la hausse (0,1%) en mai et le Trésor a pu emprunter comme prévu 7 milliards d'euros à court terme, à des taux toutefois en légère hausse.

«Nous pouvons voir les premiers signes de croissance», a prédit le ministre des Finances, Fabrizio Saccomanni.

Pourtant selon le gouverneur de la banque centrale, Ignazio Visco, le pays est encore en phase de «transition difficile», notamment en raison d'un «risque de ralentissement de l'économie mondiale».