Le parquet a requis vendredi six ans de camp contre Alexeï Navalny, l'opposant numéro un au président russe Vladimir Poutine, jugé pour détournement de fonds dans une affaire qu'il considère fabriquée de toutes pièces.

«Six ans dans une colonie pénitentiaire à régime ordinaire et une amende d'un million de roubles (plus de 31 000$)», a écrit M. Navalny dans un tweet pendant le réquisitoire du Parquet dans la salle du tribunal de Kirov (900 km à l'est de Moscou) où il assistait à l'audience.

Le procureur Sergueï Bogdanov a demandé que M. Navalny soit reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés et «arrêté dans la salle du tribunal» après le jugement qui sera rendu le 18 juillet.

«Je pense que la sanction proposée par le ministère public est proportionnelle au délit commis et à la perte subie par l'État», a déclaré le procureur, soulignant que cela devrait «servir aussi de leçon à ceux qui auraient l'intention» de commettre de telles infractions.

Alexeï Navalny a vigoureusement contesté les faits et insisté sur l'absence de preuves pour le déclarer coupable.

«Ce que j'ai de plus important à dire, c'est que dans toutes ces discussions et tous ces contes de fées, il n'y a aucune preuve montrant que j'ai eu l'intention de commettre un délit», a lancé M. Navalny, avocat de formation.

Blogueur et pourfendeur de la corruption, M. Navalny a réaffirmé qu'en dépit des six années de prison requises contre lui, il n'avait aucune intention de se soustraire à la justice et qu'il entendait continuer à dénoncer la corruption endémique en Russie.

«Je ne vais fuir nulle part! Je n'ai pas le choix, je ne veux rien faire d'autre que de m'occuper de choses qui aident les gens de mon pays», a assuré M. Navalny dans ses dernières déclarations devant le tribunal, ponctuées de quelques applaudissements dans le public de la petite salle.

Orateur efficace, devenu l'une des figures de proue de la contestation née après les législatives de décembre 2011, Alexeï Navalny dénonce une «vengeance politique» pour ses révélations sur la corruption, ainsi que pour la campagne orchestrée contre le parti au pouvoir Russie unie et la réélection de Vladimir Poutine à la présidence en 2012, après deux mandats (2000-2008) et un intermède de quatre ans au poste de premier ministre.

L'avocate de M. Navalny, Olga Mikhaïlova, a demandé la relaxe de son client.

Jugé depuis le 17 avril, M. Navalny est accusé d'avoir organisé en 2009 le détournement de 16 millions de roubles (près de 543 000 $) au détriment d'une exploitation forestière, Kirovles, lorsqu'il était consultant du gouverneur libéral de la région de Kirov, Nikita Belykh.

Dès le début de l'affaire, M. Navalny a qualifié les accusations d'absurdes, 15 millions de roubles (476 000 $) ayant selon lui été versés à l'entreprise et le reste constituant la marge de la société ayant effectué les transactions.

L'opposant et leader charismatique de la contestation avait annoncé peu avant l'ouverture du procès qu'il souhaitait être candidat à la prochaine élection présidentielle en 2018.

S'il est condamné à la peine qu'a requise le Parquet, M. Navalny ne pourra pas participer à ce scrutin ni à l'élection du maire de Moscou le 8 septembre, pour laquelle il a été récemment désigné candidat de la formation libérale russe RPR-Parnas.

Un leader de cette formation, Vladimir Ryjkov, a déclaré vendredi à la radio Écho de Moscou que cette affaire «absurde du début à la fin» avait été «dictée par le pouvoir politique» pour priver M. Navalny de toute ambition politique.

M. Navalny avait affirmé au cours du procès n'avoir «aucun doute» sur le fait que M. Poutine «donnait personnellement des instructions aux enquêteurs».

Outre le procès en cours, M. Navalny est visé par d'autres enquêtes pénales.

L'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné depuis 2003, a apporté son soutien à M. Navalny dans une récente tribune transmise au quotidien Vedomosti, écrivant que le but du procès était «d'effrayer et de démoraliser les opposants et les électeurs politiquement actifs».