Au lendemain de l'annonce par le roi des Belges Albert II de sa prochaine abdication, et alors que des doutes persistent sur les aptitudes de son fils Philippe, une fracture s'est fait jour jeudi entre néerlandophones et francophones sur les pouvoirs du futur monarque.

«Je veux rendre hommage au roi pour son règne de 20 ans. Je suis bien conscient des responsabilités qui reposent sur moi. Je continuerai à m'investir avec tout mon coeur», a dit le prince Philippe dans une très brève déclaration à l'occasion d'un déplacement à Anvers.

Mais le prince, âgé de 53 ans est apparu tendu, manquant de spontanéité, ne répondant pas aux questions des journalistes à qui il a simplement donné rendez-vous le 21 juillet, date de la fête nationale de Belgique, choisie par Albert II pour «passer le flambeau» à son fils.

Depuis des années, l'héritier du trône subit les critiques, en particulier en Flandre, où un puissant courant indépendantiste conteste la monarchie, symbole de l'unité du pays.

Le premier ministre, Elio Di Rupo, a assuré jeudi devant les députés et sénateurs que Philippe était «très bien préparé». Il sera «un roi dévoué à son pays. Avec la princesse Mathilde, la Belgique aura un couple royal à l'écoute de tous ses citoyens», a-t-il insisté.

À la tribune de la Chambre, les partis néerlandophones du nord du pays et francophones du sud ont ensuite rendu un hommage attendu au souverain sortant.

Rôle protocolaire ou simple «modernisation»

S'ils se sont abstenus d'attaques ad hominem envers son successeur, les partis flamands ont toutefois à nouveau réclamé une «modernisation» de la monarchie, thème qu'il martèlent depuis une vingtaine d'années.

Les indépendantistes de la Nouvelle-alliance flamande (N-VA) se sont sans surprise montrés les plus jusqu'au-boutistes.

«Nous sommes, en tant que parti, partisans de la République», a expliqué leur chef de file, Jan Jambon. Mais «tant qu'il n'y a pas de majorité pour changer le régime, nous le respectons», a-t-il ajouté, en jugeant le moment «idéal pour réfléchir à l'évolution de la monarchie».

Dans la monarchie parlementaire belge, le roi, chef de l'État, ne dispose pas véritablement de pouvoir. S'il signe les lois, il doit être «couvert» par un ministre pour tous ses actes à caractère politique.

Le souverain joue toutefois un rôle de médiateur lors de la formation du gouvernement au lendemain des élections, ce qu'a réussi avec brio Albert II lors de la très longue crise de 2010-2011.

Le chef de la N-VA, Bart De Wever, estime qu'Albert II avait alors contribué à le maintenir dans l'opposition malgré sa victoire en Flandre. «Il faut que le roi ait un rôle purement protocolaire», a martelé M. Jambon.

Sur ce point, les indépendantistes sont loin d'être isolés en Flandre. Le roi «ne sert déjà qu'à occuper les journalistes pendant que les présidents de parti cherchent des solutions», a tranché jeudi le président du parti socialiste flamand, Bruno Tobback.

Comme les libéraux flamands, son parti prône une «monarchie protocolaire», à l'exemple des Pays-Bas, où c'est le président de la Chambre et non plus le souverain qui désigne la personnalité chargée de former le gouvernement.

Pas avant 2014

«Nous n'accepterons pas que l'on momifie» le roi, a réagi le chef de file des fédéralistes démocrates francophones (opposition), Olivier Maingain, défenseur intraitable des francophones au sein d'une Belgique unie.

Les représentants des autres partis francophones se sont montrés prudents. Les libéraux du MR ont évoqué une nécessaire «modernisation», sans en dessiner les contours.

Pour les écologistes, il faut voir «quels sont les rôles nécessaires du roi» mais celui-ci devrait «garder son rôle d'accompagner les partis». Les centristes du CDH rejettent «un roi protocolaire».

Pour des raisons constitutionnelles, il n'est pas envisageable de changer les missions du roi avant les législatives de mai 2014.

Mais «les francophones n'ont pas intérêt à éviter» le débat, sous peine de rendre très difficile la formation d'un nouveau gouvernement, a estimé la chef du service politique de la télévision publique francophone RTBF.