Les dirigeants portugais menaient jeudi d'intenses tractations pour sauver un gouvernement déstabilisé par une crise politique majeure, dont l'Europe et les marchés financiers redoutent qu'elle ne scelle l'échec de la politique de rigueur dans ce pays sous assistance internationale.

Après les appels à une «clarification» urgente lancés par Bruxelles et un coup de semonce des marchés, le premier ministre de centre droit, Pedro Passos Coelho, a assuré ses partenaires européens qu'il serait capable de surmonter la tempête provoquée par la démission de son ministre des Finances lundi, puis de son ministre des Affaires étrangères le lendemain.

La Bourse de Lisbonne, qui s'est effondrée de 5,31 % mercredi à la clôture, rebondissait de 3 % jeudi en début de matinée. Puis les taux des emprunts portugais à dix ans se rapprochaient des 7 % alors qu'ils avaient dépassé la veille le seuil des 8 % pour la première fois depuis novembre.

Afin de conserver la majorité qui le soutient au Parlement, M. Passos Coelho a refusé le départ du chef de la diplomatie, Paulo Portas, également chef du parti conservateur CDS-PP, partenaire minoritaire au sein de la coalition emmenée par le Parti social-démocrate (PSD, centre droit).

Au lieu de confirmer la rupture qu'annonçaient de nombreux observateurs, la direction du CDS-PP a chargé son président de rencontrer M. Passos Coelho afin qu'ils puissent «trouver ensemble une solution viable pour le gouvernement du Portugal».

Un premier entretien entre les deux hommes a eu lieu dès mercredi en toute fin de soirée et a été qualifié de «très constructif» par le cabinet du premier ministre. Une nouvelle réunion devait se tenir jeudi matin et, selon la presse, M. Passos Coelho espérait présenter une sortie de crise au président Anibal Cavaco Silva lors d'une rencontre prévue à 16 h GMT (midi à Montréal).

Le chef de l'opposition socialiste, Antonio José Seguro, reçu mercredi par M. Cavaco Silva, a quant à lui plaidé pour la convocation d'élections législatives anticipées, seul moyen selon lui de «doter le pays d'un gouvernement solide et cohérent».

Un premier ministre isolé

Au même moment, une manifestation convoquée par le Parti communiste pour réclamer aussi la dissolution du Parlement rassemblait des centaines de personnes dans les rues de Lisbonne.

La crise politique a éclaté alors que la politique d'austérité budgétaire exigée au Portugal par l'Union européenne et le Fonds monétaire international en échange d'une aide de 78 milliards d'euros (près de 107 milliards de dollars) provoque un mécontentement populaire palpable et un isolement croissant du premier ministre.

La semaine dernière, M. Passos Coelho a été confronté à la quatrième grève générale organisée par les syndicats et les confédérations patronales sont elles aussi montées au créneau pour demander un changement de cap.

Car en dépit des coupes budgétaires et des hausses d'impôts sans précédent, la dette publique du Portugal équivaut déjà à 120 % du PIB et le déficit public était de 10,6 % à la fin mars, alors que Lisbonne s'est engagé à le ramener à la fin de l'année à 5,5 %, un objectif déjà assoupli à deux reprises pour tenir compte de l'ampleur de la récession économique et du chômage record.

«Au plan politique, la tourmente au Portugal est un cas isolé avec pour scénarios probables un remaniement ministériel ou des élections anticipées, mais ce n'est pas cela qui inquiète les marchés», jugeaient les analystes chez ETX Capital.

«La grande crainte est que ce pays a échoué à relancer la croissance depuis son sauvetage et que son gouvernement n'a pas atteint les objectifs fixés par la troïka» UE-BCE-FMI, qui représente ses bailleurs de fonds, ont-ils ajouté.

Pour Tullia Bucco, analyste à Unicredit, «la grande question est de savoir si le gouvernement de coalition parviendra à restaurer sa crédibilité auprès des investisseurs en se montrant capable de réformer».

Or, la «troïka» doit entamer le 15 juillet un nouvel examen au plan d'aide au Portugal, dont le plat de résistance devait être une réforme de l'État visant à couper 4,7 milliards d'euros (6,4 milliards de dollars) supplémentaires dans les dépenses publiques, et qui devait être bouclée précisément par M. Portas.