Même si elle a pris ses distances avec les méthodes provocatrices de son père, la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, devra tout comme lui rendre des comptes à la justice française pour incitation à la haine.

Le Parlement européen a voté hier la levée de l'immunité de l'élue de 44 ans, permettant la poursuite d'une procédure judiciaire liée à une déclaration dans laquelle elle assimilait des musulmans en prière à une force d'occupation.

En entrevue à la chaîne BFMTV, Marine Le Pen a relevé que la décision «déshonorante» de l'institution européenne lui permettra de remettre au coeur de l'actualité la question des «violations» de la laïcité.

«Je vais maintenant me battre devant le tribunal et je suis absolument convaincue qu'il me donnera raison et protégera mon droit de dire la vérité aux Français sur la situation, notamment, des prières de rue, mais pas seulement», a-t-elle déclaré.

Au nom de la liberté d'expression

Lundi, la politicienne avait anticipé la levée de son immunité en se présentant comme la victime d'une tentative d'intimidation orchestrée par ses adversaires.

Revendiquant sa «liberté d'expression», elle a réitéré à cette occasion les propos qui ont mené au dépôt d'une plainte par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et l'ouverture de la procédure par le parquet de Lyon.

Le 10 décembre 2010, Marine Le Pen s'était enflammée devant ses partisans relativement au phénomène des «prières de rue». Elle désignait ainsi le fait que des séances de prière sont parfois tenues partiellement dans la rue dans certaines villes, faute de lieux de culte dotés d'une capacité d'accueil suffisante.

«Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s'il s'agit de parler d'occupation, on pourrait en parler pour le coup. Certes, il n'y a pas de blindés, il n'y a pas de soldats, mais elle pèse sur les habitants», a-t-elle déclaré.

La politicienne affirme qu'il ne s'agit «en aucune manière» d'une provocation à la haine contre les musulmans «mais bien d'un constat qui est partagé par une majorité de Français».

Dans un communiqué publié hier en appui à Marine Le Pen, le Front national relève que la décision du Parlement européen reflète la «crainte croissante de l'oligarchie face à l'irrésistible montée en puissance d'un mouvement patriote qui porte haut et fort la parole du peuple» et propose de «réelles solutions» aux problèmes du pays.

Nouvelle stratégie de communication

La montée en force du parti et de Mme Le Pen, qui avait causé la surprise au premier tour de l'élection présidentielle en 2012, découle en partie des efforts de «dédiabolisation» menés sous sa direction.

Après avoir succédé à son père, qui a plusieurs fois été condamné en justice pour des déclarations à l'emporte-pièce, la politicienne a revu la stratégie de communication de la formation sans pour autant revoir ses orientations.

La stratégie, déplore le journal Le Monde dans un récent éditorial, a permis de normaliser le parti «aux yeux d'un nombre croissant de Français» et embarrasse les autres formations.

Le quotidien déplore qu'aucun politicien de gauche ou de droite ne semble déterminé à porter le combat contre un parti «rétrograde, nationaliste et xénophobe» qui demeure déterminé à «attiser les peurs de la société française» pour parvenir à ses fins.

Jean-Marie Le Pen en citations

Le père de Marine Le Pen, Jean-Marie, a été condamné à plusieurs reprises par les tribunaux pour des déclarations ou des écrits controversés :

1991

«Je me pose un certain nombre de questions. Et je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé. Je n'ai pu moi même en voir. Je n'ai pas étudié adéquatement la question. Mais je crois que c'est un point de détail de la Seconde Guerre mondiale.»

1996

«Je crois à l'inégalité des races.»

2003

«Le jour où nous aurons, en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. Et les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux.»

2005

«En France du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y a eu des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés.»