Le ministre portugais des Finances, Vitor Gaspar, fervent partisan de la rigueur budgétaire recommandée par les créanciers de ce pays sous assistance financière, a démissionné lundi après avoir vu sa recette aggraver la récession et le mécontentement social.

La démission de M. Gaspar, même s'il faisait depuis plusieurs mois l'objet de vives critiques de l'opposition, est apparue comme une surprise tant son nom était lié aux efforts du gouvernement en vue de rétablir les finances publiques depuis que le pays a obtenu en mai 2011 du Fonds monétaire international et de l'Union européenne un plan de sauvetage de 78 milliards d'euros.

Le premier ministre, Pedro Passos Coelho, a présenté la démission de M. Gaspar au président Anibal Cavaco Silva qui l'a acceptée, a indiqué le cabinet du chef du gouvernement de centre droit dans un communiqué.

L'ancien ministre sera remplacé par sa secrétaire d'État au Trésor, Maria Luis Albuquerque, responsable notamment du dossier crucial des privatisations.

«Cette démission est une surprise pour la société portugaise, comme pour la plupart du monde politique. Il s'agit du départ du plus important ministre des Finances du Portugal des dernières décennies», a estimé à la télévision le politologue Antonio Costa Pinto.

Depuis que le Portugal bénéficie d'un plan de sauvetage, M. Gaspar, 52 ans, qui avait jusqu'à présent bénéficié du soutien sans faille du premier ministre, a été le principal architecte de la politique du gouvernement destinée à redresser les finances publiques.

De l'avis général son principal mérite est d'avoir contribué au retour progressif du pays sur les marchés financiers, avec en particulier la réussite début mai d'une émission de dette à 10 ans.

Mais ses détracteurs considèrent que son application stricte des recommandations de la «troïka» (UE-BCE-FMI) en matière d'austérité est en grande partie responsable d'un fort mécontentement social et de dissensions au sein même de la coalition au pouvoir depuis juin 2011.

Le mécontentement social s'est exprimé par des manifestations à répétition et pas moins de quatre grèves générales depuis l'arrivée au pouvoir en juin 2011 de la coalition de centre droit, la dernière en date jeudi dernier.

Les difficultés rencontrées par M. Gaspar pour la mise en oeuvre du plan d'aide ont conduit la «troïka» des bailleurs de fonds à alléger par deux fois, en mars et septembre de l'année dernière, les objectifs budgétaires du gouvernement et lui donner jusqu'à 2015 pour parvenir à ramener le déficit public dans la limite de 3%, fixée par Bruxelles.

«La répétition des dérapages a miné ma crédibilité en tant que ministre des Finances», a reconnu M. Gaspar dans sa lettre de démission au premier ministre.

«Les niveaux de chômage et du chômage des jeunes sont très graves», a-t-il admis tout en soulignant la nécessité d'une «réponse efficace et urgente au niveau européen et national», semblant ainsi reconnaître les insuffisances de la politique de rigueur pour laquelle il a été néanmoins félicité à plusieurs reprises par les bailleurs de fonds.

M. Gaspar a également reconnu que sa politique avait provoqué des dissensions au sein du gouvernement alors que «les risques et les défis» auxquels le pays fait face «exigent la cohésion». «Je suis convaincu que mon départ contribuera à renforcer la cohésion de l'équipe gouvernementale», a-t-il écrit.

Son départ «illustre l'effondrement de ce qui restait d'un gouvernement qui a perdu toute crédibilité», a réagi le Parti socialiste, la principale formation d'opposition, par la voix de son porte-parole, Joao Ribeiro.

Avant d'occuper le poste des Finances, M. Gaspar, considéré comme un grand spécialiste des problèmes financiers, avait été successivement directeurs généraux du Bureau des conseillers de politique européenne (BEPA) auprès du président de la Commission européenne puis conseiller à la Banque du Portugal.

Lors de ses fréquentes interventions au Parlement, M. Gaspar faisait généralement preuve d'un calme imperturbable. Il était également renommé pour ses réparties cinglantes, et son ton, souvent jugé par trop professoral par ses détracteurs.