L'Union européenne a décidé mardi de relancer les négociations d'adhésion avec la Turquie, un processus au point mort depuis plusieurs années, malgré les réticences de l'Allemagne après la répression des manifestations contre le gouvernement turc.

L'ouverture effective d'un nouveau chapitre de ces négociations ne devrait cependant pas intervenir avant l'automne, et non mercredi comme prévu initialement.

Ce compromis a été trouvé après d'intenses discussions entre ministres européens réunis à Luxembourg sur fond de divergences sur le message à envoyer aux autorités turques après les troubles politiques.

D'un côté, l'Allemagne, soutenue par les Pays-Bas et l'Autriche, prônait la fermeté, affirmant qu'il n'était pas possible d'«ignorer ce qui s'est passé ces dernières semaines», selon son chef de la diplomatie, Guido Westerwelle.

Les autres pays de l'UE étaient favorables à la relance des négociations, car il est important de «laisser la porte ouverte» à la Turquie, selon le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn.

«Nous devons penser davantage au peuple qu'au gouvernement turc. Des millions de personnes en Turquie espèrent que l'UE va continuer à mettre la pression» sur le pouvoir, a-t-il expliqué.

«Je ne suis pas sûr que les gens qui manifestaient dans la rue auraient souhaité que l'Union européenne ferme la porte du dialogue entre l'Union et la Turquie», a renchéri le ministre français des Affaires européennes, Thierry Repentin.

Parlant de donnant-donnant, il s'est réjoui que l'UE n'ait «pas rompu le dialogue avec un partenaire stratégique à l'égard de qui il faut avoir à la fois l'ouverture du dialogue pour un arrimage à l'Europe et le rappel des règles fondatrices, des principes de l'Union européenne».

La France a exprimé en début d'année sa volonté de relancer ses relations avec Ankara, très fraîches ces dernières années en raison de l'hostilité de l'ancien président Nicolas Sarkozy à l'adhésion de la Turquie. Paris a ainsi donné en février son feu vert à l'ouverture du chapitre 22, sans toutefois se prononcer sur l'évolution à long terme du processus.

Bloqués par la question de Chypre

L'UE n'a «pas à être guidée par le court terme», a soutenu le ministre suédois, Carl Bildt, en liant la position de Berlin aux enjeux politiques du scrutin législatif de septembre. «Les élections allemandes ne doivent pas être une excuse pour retarder tout le reste en Europe», a-t-il dit.

Les autorités turques ont accusé la chancelière Angela Merkel d'utiliser les événements récents à des fins de «politique intérieure» alors que son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), a réaffirmé dimanche son opposition à l'adhésion de la Turquie à l'UE.

Le compromis trouvé mardi repousse de fait l'ouverture du nouveau chapitre après les législatives du 22 septembre. Il interviendra opportunément après «la présentation du rapport annuel de la Commission», qui évalue chaque automne les progrès réalisés dans l'harmonisation de la législation turque avec celles de l'UE, ont précisé les ministres.

Malgré ce report, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a salué l'accord européen. «Une question qui aurait pu constituer un obstacle dans les relations euro-turques a pu être surmontée (...) Le train Turquie-UE pourra ainsi avancer à toute vitesse», s'est-il félicité.

Dans les faits, le processus de négociations engagé en 2005 s'avère le plus lent jamais mené avec un pays candidat à l'adhésion. Le dernier chapitre ouvert l'a été en 2010 et seul un chapitre sur 35 a pu être clos.

De plus, le chapitre 22 prochainement ouvert concerne l'un des sujets les plus consensuels, la politique régionale. Il restera ensuite à aborder des chapitres jugés cruciaux portant sur la justice et les droits fondamentaux.

Il s'agira également de résoudre les blocages liés à la question chypriote, Ankara refusant de reconnaître la République de Chypre, l'un des 27 pays de l'UE.

Ils empêchent actuellement d'avancer sur un dossier central, le Protocole d'Ankara, destiné à élargir l'union douanière entre l'UE et la Turquie.