La Douma russe a voté vendredi une loi interdisant l'adoption d'enfants russes par des couples homosexuels ou des célibataires dans les pays ayant légalisé les unions entre personnes de même sexe, un texte dénoncé par les défenseurs des droits de l'homme.

La chambre basse du Parlement russe a donné son aval définitif à ce texte, en troisième et dernière lecture, à l'unanimité des 444 députés présents.

La loi doit encore être adoptée par la chambre haute du Parlement - le Conseil de la Fédération - et promulguée par le président russe, ce qui apparaît comme une formalité, Vladimir Poutine ayant récemment déclaré qu'il apporterait son soutien à une telle législation.

Dans ce texte, l'adoption d'enfants russes est interdite aux «personnes de même sexe dont l'union est reconnue comme un mariage et qui a été enregistrée dans un État où une telle union est autorisée, ainsi qu'aux citoyens de tels États qui ne sont pas mariés».

Les couples mariés hétérosexuels peuvent, quant eux, encore adopter des enfants russes.

Un des auteurs de la loi, Elena Mizoulina, députée du parti Russie Juste, n'avait pas caché pendant son examen en deuxième lecture cette semaine que la sévérité du texte visait à empêcher de facto «toute possibilité que des étrangers ayant une orientation sexuelle non traditionnelle puissent adopter des enfants russes».

Les mariages entre personnes de même sexe sont autorisés actuellement dans 14 pays, dont le Canada, la Belgique, l'Espagne, et, plus récemment, la France.

La loi autorisant le mariage homosexuel est entrée en vigueur à la mi-mai dans ce dernier pays, avec sa promulgation par le président François Hollande, et la première union de deux hommes a été célébrée le 29 mai à Montpellier (sud).

L'adoption vendredi de la nouvelle loi russe a été immédiatement dénoncée par nombre de défenseurs des droits de l'homme.

«C'est une grande honte», a déclaré l'ancienne dissidente soviétique et militante des droits de l'homme Lioudmila Alexeeva.

La Douma «est engagée dans un processus visant à interdire le plus de choses possible et à ne rien autoriser. Elle a privé les citoyens, y compris des malheureux comme les orphelins russes, de nombreux droits», a-t-elle poursuivi.

Ces derniers mois, ONG et défenseurs des droits de l'homme n'ont cessé de dénoncer le vote de lois jugées répressives en Russie.

Une loi votée en décembre interdit les adoptions d'enfants russes par des Américains : une réponse à la «liste Magnitski», loi américaine sanctionnant des responsables russes impliqués dans la mort en prison en 2009 de l'avocat Sergueï Magnitski.

La Russie a pris dans le même temps des mesures visant à encourager l'adoption par des familles russes.

Le texte de loi adopté vendredi prévoit ainsi que la prime accordée aux Russes adoptant des enfants handicapés ou âgés de plus de sept ans est augmentée pour atteindre 100 000 roubles (3157 $).

Parallèlement, une campagne de défense des «valeurs traditionnelles» a commencé en Russie ces derniers mois, et, la semaine dernière, la Douma a voté une loi controversée punissant tout acte de «propagande» homosexuelle devant mineur.

Selon des experts, le but d'une telle campagne est en réalité de consolider le cercle des partisans de Vladimir Poutine autour de valeurs traditionnelles opposées à celles de l'Occident, présenté comme «dépravé».

Toutefois, «cette stratégie est désespérée. Elle ne conduit pas à la consolidation, mais à la division. C'est un procédé réducteur qui était déjà utilisé sous l'URSS et qui déjà à l'époque fonctionnait mal», estime l'analyste indépendant Dmitri Orechkine.