Le gouvernement grec est contraint de rouvrir temporairement la radio-télévision publique ERT jusqu'à ce qu'un nouvel organisme audiovisuel restructuré voie le jour, après le sursis obtenu lundi par les salariés auprès de la justice.

Le premier ministre Antonis Samaras, qui avait autoritairement procédé à la fermeture de l'ERT mardi dernier, laissant des écrans noirs et des radios muettes dans tout le pays, a proposé à ses partenaires gouvernementaux quelques minutes avant la publication du jugement du Conseil d'État, de revenir sur sa décision vivement critiquée en Grèce et à l'étranger.

Il a également dû s'engager auprès des deux partis avec lesquels il partage le pouvoir, les socialistes Pasok et la gauche démocratique Dimar, qui désapprouvaient la fermeture de l'ERT, à procéder à un remaniement ministériel «après le congrès de la Nouvelle Démocratie», soit vers la fin juin.

Les alliés gouvernementaux de M. Samaras l'avaient mis en garde contre un éclatement de la coalition et la possibilité de la convocation d'éventuelles élections anticipées s'il maintenait sa décision de faire disparaître la radio-télévision publique avec à la clé le licenciement d'environ 2700 employés.

M. Samaras a proposé qu'une commission, composée de représentants des trois partis de la coalition, soit chargée d'embaucher le nombre de journalistes nécessaire à la reprise temporaire des programmes, jusqu'à ce que soit adopté le nouveau projet de loi restructurant l'audiovisuel public, présenté par le gouvernement mercredi dernier, au lendemain de la fermeture de l'ERT.

Des conseillers étrangers, de la BBC notamment, ou d'autres groupes audiovisuels publics européens, devraient aider à la constitution de ce nouvel organisme, pour qu'il réponde aux normes de pluralisme, d'indépendance, et de transparence nécessaires pour être conforme aux normes européennes d'un média public, et non d'un média d'État, qui était la situation de l'ERT jusqu'à présent, selon une source gouvernementale.

La fermeture des chaînes de télévision et des stations de radio publiques depuis mardi dernier, du jamais vu en Europe, a provoqué une vive émotion et de nombreuses critiques.

Le président de l'Union européenne de radio-télévision (UER) représentant toutes les organisations de l'audiovisuel public en Europe (BBC, RAI, France Télévision, ZDF...) s'était déplacé à Athènes la semaine dernière pour demander la réouverture immédiate de l'ERT.

Dimanche, M. Samaras, qui a reçu le soutien de la chancelière allemande Angela Merkel pour les réformes engagées dans le pays, avait accusé ses partenaires gouvernementaux d'«hypocrisie», faisant valoir que supprimer des emplois dans le secteur public grec faisait partie des engagements de la Grèce à poursuivre les réformes prévues par le plan d'assainissement de l'économie, dicté par la troïka des créanciers, UE-BCE-FMI.

Le gouvernement tripartite de M. Samaras a été constitué dans la douleur il y a exactement un an, à l'issue des élections du 17 juin 2012 sur fond de grave crise économique et sociale. Ce scrutin a permis l'accession au Parlement d'un parti néonazi (Aube dorée), contestant les mesures d'austérité, le seul représenté en tant que tel dans un Parlement en Europe.

S'il devait y avoir des élections, «le principal danger en Grèce» serait d'aboutir à une «coalition entre Samaras et l'extrême droite», a estimé lundi le député européen Vert Dany Cohen-Bendit, de passage à Athènes pour lancer un appel d'Athènes en vue des prochaines élections européennes.

Le chef de l'opposition, Alexis Tsipras, dirigeant du parti de la Gauche radicale Syriza a harangué les foules lundi soir place Syntagma en face du Parlement pour fêter à sa manière le premier anniversaire du gouvernement Samaras, issu du vote du 17 juin 2012.

Pour lui, la décision du gouvernement de fermer l'ERT, était «un coup d'État, qui décapite des milliers d'employés et supprime le droit des citoyens à l'information». Cette décision «a montré les limites des politiques d'austérité de M. Samaras», a-t-il souligné.

La décision du Conseil d'État a été applaudie par les milliers de personnes rassemblées pour la septième soirée consécutive devant le siège de l'ERT dans la banlieue nord de la capitale grecque.