Au soir d'une grève générale à l'impact limité et de manifestations massives, le premier ministre conservateur grec Antonis Samaras a convoqué ses deux partenaires au sein de la coalition gouvernementale pour tenter d'apaiser la tension créée par la fermeture abrupte de l'audiovisuel public ERT, qui embarrasse la Grèce.

Le premier ministre rencontrera lundi le dirigeant socialiste et celui de la gauche démocratique Dimar pour tenter de trouver une «solution» à la nasse dans laquelle il s'est fourvoyé en fermant brutalement toutes les télévisions et radios publiques du pays sans préavis, en désaccord avec ses deux partenaires au sein de la coalition.

Le premier ministre a eu beau décrire l'ERT comme un «foyer de privilèges, d'opacité et de gaspillage», sentiment d'ailleurs partagé par beaucoup de Grecs, le blackout brutal sur l'information, du quasi-jamais vu dans un pays dit démocratique, a généré beaucoup d'émotion dans le pays, et hors des frontières.

«La décision de fermer de manière quasi-martiale, avec encerclement des émetteurs, un groupe entier de télévision, c'est quand même grave dans une démocratie» a jugé le dirigeant de l'ONG Reporters sans frontière Christophe Deloire, qui s'est déplacé spécialement.

Jeudi, la police a comptabilisé quelque 15 000 personnes à Athènes, Salonique et dans de nombreuses villes où ERT est implanté, en soutien aux 2700 salariés de l'audiovisuel public qui ont perdu leur emploi.

À Athènes, près de 10 000 personnes venues de milieux très différents ont répondu à l'appel d'un rassemblement des syndicats du privé et du public, GSEE et Adedy, devant le siège de l'ERT pour dénoncer les politiques d'austérité qui touchent le service public. Jeudi soir, il restait des manifestants devant le siège d'Ert, décidés à faire plier le gouvernement coûte que coûte. Une tente est même apparue dans le parc.

La grève générale, déclenchée dans l'urgence par les syndicats après la fermeture des ondes et des écrans, n'a en revanche guère mobilisé.

Pas facile de perdre une journée de salaire pour faire grève dans un pays où les salaires ont été rabotés depuis trois ans de crise, et où le taux de chômage a atteint 27,4% de la population active au premier trimestre, selon les chiffres publiés jeudi par les statistiques grecques.

Les transports ont été faiblement touchés par la grève, à part les transports urbains d'Athènes. La plupart des banques, des commerces et la poste sont restés ouverts.

Une dizaine de vols intérieurs à Athènes ont été annulés et une cinquantaine ont été reprogrammés, en raison d'un arrêt de travail des aiguilleurs du ciel.

En Grèce, les journalistes étaient en grève aussi jeudi, et les quotidiens devraient être absents des kiosques vendredi.

À l'intérieur du siège de l'ERT, où de nombreux reporters étrangers se pressaient jeudi, les journalistes maison tentaient de continuer de travailler et de diffuser des émissions via les sites web de la chaîne

«Le principal but des salariés d'ERT est de garder la chaîne de télévision ouverte, car il s'agit d'une propriété publique qui appartient au peuple et pas au gouvernement» a expliqué Emmanuella Argiti, présentatrice d'un journal télévisé.

L'ERT a reçu le soutien de l'Union européenne de Radio-Télévision (UER, ou EBU) qui redistribue les programmes des télévisions publiques européennes et qui a trouvé un moyen de diffuser des émissions de la chaîne d'information publique NET, l'une des cinq chaînes d'ERT, malgré le blackout imposé par le gouvernement. Un des dirigeants de l'UER devrait se rendre à Athènes vendredi.

Dans la salle de contrôle audiovisuel, Efi Zerva, rédactrice en chef, se réjouissait «du soutien des milliers de gens qui sont venus réclamer la réouverture» et du soutien des médias étrangers.

L'ambiance était fébrile, pétrie de rumeurs invérifiées transmises par des journalistes grecs à des collègues étrangers, lues sur internet, le tout dans le plus parfait désordre: Merkel aurait demandé à Samaras de revenir sur la décision de fermeture, puis Hollande. Les télévisions privées qui seraient tentées de retransmettre les émissions de ERT en solidarité seraient menacées de sanction.

Le gouvernement avait présenté mardi un projet de loi portant sur la création d'une nouvelle radiotélévision publique, qui remplacerait Ert, devrait s'appeler Nerit S.A. et commencer à fonctionner d'ici fin août, avec 1200 employés.

Mais les deux partenaires gouvernementaux, les socialistes du Pasok et de la gauche modérée Dimar, qui se sont opposés à la fermeture tout en soulignant la nécessité de la restructuration du groupe, ont appelé M. Samaras à rouvrir l'ERT avant de parler d'un nouveau projet.

Le chef des socialistes Evangélos Vénizélos a parlé mercredi d'«une ambiance de crise politique» et appelé M. Samaras, «à sauvegarder l'unité et l'avenir du gouvernement» de coalition, formé il y a presque un an après les législatives de juin 2012 sur fond de crises économique et politique majeures.