Acte prémédité ou bagarre qui a mal tourné? Les enquêteurs ont cherché vendredi à établir les circonstances de la mort du jeune militant d'extrême gauche qui a fait descendre des milliers de personnes dans la rue jeudi et amené les autorités à interdire un rassemblement d'extrême droite.

Cinq personnes de 19 à 32 ans, dont une femme, gravitant dans les milieux d'extrême droite, restaient en garde à vue vendredi à 16 h GMT (midi à Montréal) dans l'enquête sur la mort de Clément Méric, un étudiant de 18 ans engagé dans un mouvement antifasciste.

Un homme de 37 ans avait été libéré en milieu de journée. Deux autres, dont une femme de 22 ans et un homme de 27 ans, ont été relâchés dans l'après-midi.

L'auteur présumé du coup fatal, un skinhead de 20 ans, né à Cadix en Andalousie dans le sud de l'Espagne, avait été interpellé jeudi à Saint-Ouen près de Paris.

Selon une source policière, plusieurs des suspects sont connus comme proches du groupuscule Troisième Voie et de son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dont le leader, Serge Ayoub, 48 ans, a nié toute implication dans cette affaire.

M. Ayoub, alias «Batskin», figure de la mouvance skinhead parisienne depuis plus de 20 ans, a été entendu pendant deux heures par la police vendredi après-midi dans un commissariat de Paris. À sa sortie, il a affirmé que les personnes interpellées «ne faisaient pas partie des JNR».

Dès jeudi matin, M. Ayoub avait livré à l'AFP une version très détaillée de la bagarre, expliquant que les militants d'extrême droite sur les lieux du drame «n'avaient qu'une seule envie, s'en aller». Le procureur de la République de Paris, François Molins, a prévu de tenir samedi matin une conférence de presse sur cette affaire.

La police compte sur l'interrogatoire des suspects, sur l'audition de témoins et l'exploitation des images de vidéosurveillance, ainsi que sur l'autopsie de la victime, qui a été pratiquée vendredi matin, pour établir les responsabilités dans l'altercation survenue mercredi à la sortie d'une vente privée de vêtements de marques entre deux groupes de jeunes, les uns d'extrême droite, les autres d'extrême gauche.

«Idées nauséabondes»

Clément Méric, 18 ans, est-il mort sous les coups ou sa mort est-elle due à sa chute sur un poteau métallique? Son agresseur portait-il un coup de poing américain? Quelles ont été les provocations préalables à la bagarre? Des réponses à ces questions dépendront des chefs de mise en examen retenus contre les suspects.

Étudiant à Science Po originaire de Bretagne (ouest), militant «antifasciste» engagé, Clément Méric avait été transporté mercredi soir à l'hôpital dans un «état désespéré». Son décès a été annoncé jeudi.

Rapidement, des rassemblements étaient organisés en hommage au jeune homme, tandis que la classe politique condamnait unanimement cette agression qui, d'emblée, pour le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, portait «la marque de l'extrême droite».

Dans la soirée de mercredi, plus de 15 000 personnes ont manifesté, à Paris comme en province, aux cris de «pas de fascistes dans nos quartiers, pas de quartier pour les fascistes».

Interrogé vendredi matin, Manuel Valls a répété que des groupuscules d'extrême droite seraient «sans doute dissous», car, a-t-il dit, la République doit «s'attaquer aux idées nauséabondes qui nous rappellent les pires heures de notre histoire».

Malheureusement, a-t-il déploré, ce type de mouvements «racistes, antisémites et homophobes», est «en train de resurgir», certains ayant refait surface à la faveur des récentes manifestations contre le mariage homosexuel.

Première annonce officielle de ce type depuis la mort de Clément Méric, les autorités ont interdit vendredi un rassemblement prévu samedi à Toulouse (sud-ouest) par les Jeunesses nationalistes, organisation d'extrême droite distincte des JNR.