Un important procès s'est ouvert lundi en Sicile, sur des tractations secrètes présumées entre des responsables gouvernementaux et des dirigeants mafieux dans les années 1990 pour éviter la poursuite d'une vague d'attentats meurtriers.

L'audience a toutefois été immédiatement ajournée à vendredi, afin d'accorder plus de temps pour les requêtes de constitution des parties civiles.

Dix personnes dont le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicola Mancino, ainsi que le chef mafieux emprisonné Toto Riina sont sur le banc des accusés et le parquet a demandé à entendre comme témoin le président Giorgio Napolitano. Parmi les accusés, poursuivis pour la plupart pour «violences ou menaces à un organe politique de l'Etat», figure aussi l'ex-sénateur et cofondateur du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, Marcello Dell'Utri.

«J'ai combattu la mafia, je ne peux pas être jugé aux côtés de boss mafieux», s'est insurgé M. Mancino, à son arrivée au tribunal de Palerme.

M. Mancino, poursuivi seulement pour faux témoignage, a annoncé que ses avocats allaient «demander que le procès soit annulé».

Selon l'accusation, plusieurs hauts responsables du gouvernement italien auraient démarré des négociations secrètes avec la mafia après l'assassinat de l'eurodéputé DC (démocratie-chrétienne) Salvo Lima au printemps 1992.

Les contacts se seraient intensifiés après les attentats à la bombe qui ont coûté la vie aux juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, en avril et juillet suivants. Les intermédiaires auraient été notamment Vito Ciancimino, l'ex-maire décédé de Palerme --dont le fils Massimo est accusé de complicité externe en association mafieuse -- et trois dirigeants de l'unité d'élite Ros des carabiniers (Antonio Subranni, Mario Mori, Giuseppe De Donno).

Ce que les journaux ont surnommé La Trattativa (La Négociation) aurait débouché sur un accord pour obtenir la fin des attentats en échange d'un assouplissement des conditions de détention de plus de 300 mafieux incarcérés dans des prisons de haute sécurité, de réductions de peine et d'un desserrement de l'étau policier.

Les anciens boss mafieux, Riina, Leoluca Bagarella et Antonio Cina, ainsi que Giovanni Brusca, homme de main de Riina, sont aussi jugés à Palerme.

Deux autres accusés de l'enquête initiale sont jugés à part: l'ex-ministre Calogero Mannino qui a choisi la procédure du jugement abrégé et le boss mafieux Bernardo Provenzano, emprisonné pour d'autres crimes et qui fait l'objet d'un procès parallèle en raison de ses très mauvaises conditions de santé.

Pendant l'enquête, une affaire d'écoutes téléphoniques de conversations entre le président Napolitano et M. Mancino a provoqué un affrontement entre le parquet de Palerme et la présidence italienne. L'incident s'est résolu par la destruction de ces écoutes, la Cour constitutionnelle ayant donné raison à la présidence qui arguait que le chef de l'État ne peut être mis sur écoutes.

Le procès État-mafia de Palerme est présenté par les médias locaux comme l'occasion de faire enfin la lumière sur les relations troubles qu'ont pu entretenir certains pans des institutions avec la mafia sicilienne.