Les chiffres du Grand Paris Express donnent le tournis: 72 nouvelles stations de métro, 200 km de tunnels, 41 milliards en investissements d'ici 2030. Coup d'oeil sur l'un des plus grands projets d'infrastructure de toute l'Europe.

Le quartier des affaires de Saint-Denis, à quelques centaines de mètres du célèbre Stade de France, est un chantier à ciel ouvert. Le géant des télécoms SFR bâtit en ce moment un immense complexe qui accueillera bientôt ses 8500 employés. Même scénario pour la société ferroviaire SCNF, qui y transférera 2500 salariés dès l'an prochain dans des bureaux flambant neufs.

«Saint-Denis, là où nous sommes en ce moment, va devenir l'un des principaux noeuds ferroviaires du Grand Paris, avec trois lignes de métro automatique, deux RER et deux tramways», explique Etienne Guyot, président de la Société du Grand Paris (SGP), qui loge en plein coeur de ce ballet de grues et de bulldozers.

La SGP pilote un projet qui redéfinira complètement le paysage de la région parisienne d'ici 2030. Un projet titanesque de 31,5 milliards d'euros (41 milliards de dollars): le Grand Paris Express.

Pour les Montréalais, qui ont attendu pendant des décennies les trois stations du métro de Laval, le projet parisien a de quoi donner le tournis. Le futur réseau de métro automatisé ajoutera 200 km de tunnels et 72 nouvelles stations dans la banlieue éloignée de la métropole. Quelque 7 milliards d'euros seront en outre investis pour rénover le réseau existant, composé d'un spaghetti de 16 lignes et 303 stations.

D'ici la fin des travaux, prévue en 2030, quelque 90% des habitants du Grand Paris vivront à moins de 2 km d'une gare. «Ça va permettre d'améliorer la vie quotidienne de millions de gens: il y a 12 millions de personnes qui vont pouvoir se déplacer sans passer par le centre de la capitale», explique Etienne Guyot en pointant les nouvelles lignes sur une carte.

Un chantier complexe

La construction graduelle des nouvelles lignes, entre 2015 et 2030, permettra de relier entre elles les différentes banlieues de la capitale pour désengorger le réseau central de transports en commun, saturé depuis longtemps. Un véritable casse-tête logistique dans une région aussi densément peuplée que Paris.

Les autorités estiment que le creusage des tunnels générera 20 millions de mètres de débris - l'équivalent de 7000 piscines olympiques!

Le nombre élevé de communes dans la région métropolitaine multiplie aussi les risques d'embourbement administratif et de conflits. Ce qui n'inquiète pas trop Etienne Guyot. Il rappelle que le projet du Grand Paris été enchâssé dans une loi par l'ancien gouvernement Sarkozy en 2010, puis reconfirmé ce printemps par les troupes socialistes de François Hollande.

«Je suis très confiant, parce que c'est un projet consensuel, avance-t-il. Il n'est pas remis en cause politiquement par la droite ou par la gauche. Il a été initié par la droite, la gauche l'a repris et amélioré.»

Autre point rassurant: la question du financement, cruciale, est à peu près bouclée. Le nouveau réseau sera financé en majeure partie grâce à trois nouvelles taxes, dont la plus importante est la «taxe locale sur les bureaux». Dès 2015, elle permettra à la SGP - l'organisme sans but lucratif qui chapeaute la construction - d'engranger environ 500 millions d'euros par an.

Ces importantes ressources fiscales serviront à rembourser les prêts qui seront contractés pour financer le nouveau réseau, explique Etienne Guyot. La SGP empruntera des dizaines de milliards sur les marchés obligataires, qui seront remboursés pendant 40 ans à partir de la fin des travaux, soit jusqu'en 2070.

La SGP s'attend à ce que le projet du Grand Paris Express génère des retombées majeures tout au long de sa construction, et au-delà. Quelque 20 000 emplois directs et 115 000 emplois indirects seront ainsi créés, estime-t-on. Des parcs industriels et technologiques seront aussi mis sur pied dans divers points névralgiques des banlieues parisiennes.

Si bénéfique soit-il pour la région métropolitaine, le projet ne réglera pas tous les maux de la métropole par magie, nuance toutefois Antonio Duarte, président de l'Association Grand Paris, un groupement citoyen. La gouvernance de la région reste très pénible, note-t-il.

«Il y a 1400 communes et huit départements, dit cet architecte- urbaniste. La métropole est complètement éclatée d'un point de vue administratif, alors que le Grand Londres, le Grand Madrid ou le Grand Berlin ont tous des ensembles cohérents.»

M. Duarte mise gros sur l'élection d'un nouveau maire - ou vraisemblablement d'une mairesse - l'an prochain pour revoir la structure politique de la métropole.